Économie circulaire: est-ce un idéal utopique dans le monde du numérique?

By uwashemastephanie
23 June 2025 16
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Tout d’abord, l’économie circulaire est un « système de production, d’échange et de consommation visant à optimiser l’utilisation des ressources à toutes les étapes du cycle de vie d’un bien ou d’un service, dans une logique circulaire, tout en réduisant l’empreinte environnementale et en contribuant au bien-être des individus et des collectivités ». (RECYC-QUÉBEC, 2023). Elle se repose sur deux actions principales qui sont de repenser nos modes de production et de consommation ainsi que d’optimiser l’utilisation de nos ressources (Québec circulaire, 2024).  En effet, l’économie circulaire fonctionne par un principe de circularité où les ressources auparavant utilisées se retrouvent à être utiliser à nouveau après avoir été consommées. Nous vivons présentement dans un système d’économie linéaire où les ressources sont extraites, transformées, distribuées, utilisées puis, ensuite, jetées. Ceci occasionne énormément de déchets et de gaspillage en aval puis une surconsommation de nos ressources en amont. Ce modèle n’est plus viable à l’ère où nous sommes rendus que ce soit sur le plan économique, social ou environnemental. C’est ainsi pourquoi c’est un sujet pertinent dans notre contexte actuel.

 

Les impacts du numérique sur la planète : une problématique alarmante

 

Selon une étude menée en 2019, le numérique consommait 4,2% d’énergie primaire, émettait 3,8% des émissions de gaz à effet de serre, consommait 0,2% en eau puis 5,5% en électricité sur une échelle mondiale. Si nous devions représenter le numérique consommé dans le monde entier en termes de pays, celui-ci serait l’équivalent de 2 à 3 fois la taille de la France selon l’indicateur environnemental observé (Green IT, 2019). Même si ces chiffres se rapportent à il y a 6 ans, nous ne pouvons penser que ceux-ci ont augmenté depuis.

 

Dans cette optique, nous nous devons d’être plus responsables numériquement. Ce concept se résume à repenser à nos façons de faire ainsi qu’à celles des entreprises pour réduire nos empreintes environnementales respectives et de favoriser une transformation numérique durable pour les organisations. L’économie circulaire se trouve à être une façon d’atteindre cet objectif. En repensant à nos modes de production et de consommation, nous allons être en mesure de trouver de meilleures techniques qui nous permettront de diminuer notre consommation de ressources ce qui aidera, par la suite, à la préservation des écosystèmes. Ensuite, nous allons être en mesure d’optimiser l’utilisation de nos ressources de trois façons différentes. Premièrement, en utilisant nos produits de manière plus fréquente, donc il peut s’agir soit d’avoir plusieurs individus qui utilisent le même bien ou d’offrir le service de location pour un bien pour ainsi amplifier l’utilisation du bien. Deuxièmement, en prolongeant la durée de vie des produits et de ses composantes. Ici, ils font référence à entretenir et réparer ses biens, donner et revendre ses biens, pratiquer le reconditionnement ou offrir la vente d’un service à la place d’un bien. Troisièmement, en donnant une nouvelle vie aux ressources, donc en pratiquant l’écologie industrielle, le recyclage et le compostage ainsi que la valorisation. Par conséquent, ces différentes pratiques sont des moyens d’éviter la surconsommation de nos ressources ainsi que d’éviter notre production de déchets, et ce, à chaque étape de la chaîne de valeur.

 

Avec notre système économique actuel, nous sommes en situation de déclin sur tous les plans. Ce système affecte non seulement l’environnement, mais il nous affecte nous aussi notamment par rapport à nos conditions de vie et nous occasionne d’énormes pertes au niveau économique. Cette crise est réelle et ne fera que s’intensifier si aucun changement n’est apporté. Dans le monde du numérique, c’est un premier grand pas que nous pouvons faire qui affectera grandement notre planète positivement. Bien qu’aller vers un virage vert est plus une tactique marketing et une question d’image pour les entreprises afin d’attirer un plus grand public, cette tendance, en étant prise au sérieux, pourrait réellement changer les choses et réduire notre impact négatif sur la planète.   Et donc, la question qui nous vient en tête est : est-ce un modèle viable pour les entreprises ou n’est-ce qu’un idéal utopique dans le monde du numérique?

 

Les freins à l’adoption de l’économie circulaire 

 

L’économie circulaire semble être une solution adaptée à ce genre de problématique, mais elle présente néanmoins quelques freins. En effet, lorsqu’il s’agit de réutiliser nos matériaux, plusieurs pays éprouvent des difficultés notamment dû à la gestion des déchets qui nuit à la qualité des produits recyclés (Grafström et Aasma, 2021). Des pays se retrouvent avec de produits recyclés ayant une qualité moindre ce qui fait en sorte que les producteurs préfèrent utiliser des produits neufs. Cette mauvaise gestion des déchets dans certains pays n’est pas une incitatif à aller vers une économie circulaire. Ceci n’est pas la faute de ces dits pays en question, mais plutôt un manque de ressources pour effectuer une gestion efficace de leurs déchets. Ils n’ont pas la capacité nécessaire pour gérer toute la collecte de biens recyclés ce qui résulte à un manque de standards présent dans la qualité de ceux-ci (Grafström et Aasma, 2021). Il existe tout de même des nouvelles technologies étant en mesure d’effectuer cette gestion de déchets plus facilement et efficacement. Cependant, dû à soit un manque des connaissances sur celles-ci de la part des professionnels ou des systèmes informatiques pas assez performants ou tout simplement pas d’assez grands flux de déchets, ces techniques sont peu utilisées et connues des entreprises (Grafström et Aasma, 2021).

 

Un autre frein connu à l’économie circulaire vient des barrières créées par les systèmes et cadres réglementaires mis en place par certains pays. En effet, souvent, il arrive que les institutions tendent à aller vers une économie linéaire plutôt que circulaire. Pour qu’un système d’économie circulaire soit mis en place, il est nécessaire que nous retrouvions une certaine homogénéité entre les politiques des différents pays (Grafström et Aasma, 2021). Si les politiques diffèrent d’un pays à l’autre concernant, par exemple, les biens recyclés, un même bien peut être considéré comme recyclé dans un pays et comme un bien non réutilisable dans un autre. Les politiques se doivent de rester constantes entre les différents pays. C’est l’une des principales conditions à avoir pour être en mesure de mettre en place un système d’économie circulaire dans les grandes entreprises.

 

Nous avons parlé des barrières instaurées par les systèmes et cadres réglementaires, mais il y a aussi une présence de barrières sociales et culturelles. Notamment, nous en comptons trois précisément qui sont une culture résistance chez certaines entreprises, un manque de conscience de la part des consommateurs et une coordination faible tout au long de la chaîne d’approvisionnement (Grafström et Aasma, 2021).

 

En effet, la résistance par rapport à l’instauration d’un système d’économie circulaire vient souvent des superviseurs (Grafström et Aasma, 2021). Sinon, les initiatives effectuées pour la mise en place d’un système d’économie circulaire sont souvent mises à l’écart des opérations primaires de l’entreprise ce qui veut dire que ce ne sont pas tous les départements qui sont mis au courant par rapport aux changements (Grafström et Aasma, 2021). Il arrive aussi que des entreprises ne soient tout simplement pas assez engagées dans cette adoption d’un système d’économie circulaire, donc ils n’incluent aucun indicateur de performance pour atteindre les résultats attendus. Ceci indique que leur manque d’engagement stratégique (Grafström et Aasma, 2021).

 

Par rapport au manque de conscience chez les consommateurs, celui-ci est dû à leur manque d’intérêt et de connaissances envers la notion de circularité des biens (Grafström et Aasma, 2021). N’étant pas une priorité pour ceux-ci, un grand manque de sensibilisation s’installe chez eux.

 

L’économie circulaire: un levier pour un numérique durable

 

Pour apporter de nouvelles idées ou de nouveaux concepts au sein d’une entreprise, la collaboration de toutes les parties prenantes et la cohésion entre celles-ci sont de mises lorsqu’il est question de changement. Sans celles-ci, il est très difficile d’instaurer de nouvelles règles ou d’effectuer un changement de système au sein d’un entreprise. Pour effectuer cette transition entre notre système actuel, l’économie linéaire, et le système souhaité, l’économie circulaire, il est primordial, d’avant tout, avoir l’accord et la participation de tous.

 

Présentement, la population humaine mondiale consomme 1,75 planètes en ressources renouvelables ce qui représente près du double de ce que la planète peut nous offrir (Québec circulaire, 2024). Ceci fait en sorte que l’arrivée du moment où toutes les ressources que la Terre peut générer en un an sont consommées est de plus en plus prématurée et de nombreuses ressources essentielles sont de moins en moins disponibles. Si, encore une fois, aucun changement n’est apporté et nous continuons sur cette lignée, la consommation mondiale des ressources matérielles ne fera que doublée d’ici 2050 (Québec circulaire, 2024).  D’ailleurs, d’énormes coûts sont associés pour avoir accès aux matières premières, à l’énergie, aux terres et à l’eau. De plus, beaucoup de temps et d’argent est perdu dans l’extraction de matières qui ne peuvent être renouvelées ni exploitées.

 

Solutions à envisager

 

Ainsi, une solution pour inciter les consommateurs à être plus consciencieux face à ce concept serait de leur présenter les différents impacts qu’une économie linéaire a sur notre planète et sur les individus et les différents gestes qu’ils peuvent poser pour diminuer ces impacts. Notamment, en 2020, la France a mis en place la loi AGEC (Anti-gaspillage et Économie circulaire) qui a pour but de mettre des pratiques en place pour sensibiliser la population face à leurs achats de produits numériques et à leur utilisation de ceux-ci (Ministère de l’Aménagement du Territoire et de la Décentralisation, 2023). Entre autres, le gouvernement du Canada, afin d’appuyer leur programme global qui vise à atteindre zéro déchet de plastique, participe à encourager comme pratique la refabrication et tout autre processus visant à conserver la valeur d’un produit, tels que le reconditionnement, la réparation et la réutilisation. La conception d’une feuille de route pour prolonger la durée de vie des plastiques dans les produits électroniques est présentement en développement (Gouvernement du Canada, 2025). À cet effet, plusieurs pays ont décidé de mettre en place des lois, des feuilles de route, des programmes et des incitatifs économiques pour stimuler la transition vers un système économique circulaire.

 

Souvent, les gens pensent que le concept de circularité ne comprend que le recyclage de produits et de biens. Cependant, ce modèle économique propose douze stratégies de circularité que les entreprises et les territoires peuvent adopter et adapter en fonction de leur situation et des ressources qu’ils possèdent (Québec circulaire, 2024). Nous y retrouvons les stratégies d’écoconception, de consommation et approvisionnement responsables, d’optimisation des opérations, d’économie collaborative, de location, d’entretien et de réparation, de don et de revente, de reconditionnement, d’économie de fonctionnalité, d’écologie industrielle, de recyclage et de compostage ainsi que de valorisation.

 

Au Québec, plusieurs initiatives ont été mises en place notamment la responsabilité élargie des producteurs (REP). Ce règlement stipule que si une entreprise met sur le marché un produit visé par le Règlement sur la récupération et la valorisation de produits par les entreprises (RRPVE), celle-ci est responsable de mettre en place un programme de récupération et de valorisation du produit en question si elle n’est pas membre d’un organisme de gestion reconnu (OGR) qui peut effectuer le travail à sa place (RECYC-QUEBEC, 2025). Donc, la responsabilité par rapport à la gestion des produits en fin de vie qu’elle met sur le marché lui est attribuée. La REP fournit une liste des produits visés ainsi que des entreprises visées par la réglementation. Celles-ci ont différentes obligations à remplir telles qu’atteindre les objectifs de récupération annuels pour chaque sous-catégorie et réinvestir dans le programme de récupération et de valorisation si les objectifs ne sont pas atteints ainsi que de développer un programme d’information, de sensibilisation et d’éducation destiné aux publics cibles (RECYC-QUEBEC, 2024).

 

Point de situation

 

Pour le moment, au niveau mondial, seulement 7,2% de l’économie est circulaire et, au Québec, l’indice de circularité est de 3,5%. (Québec circulaire, 2024). En augmentant ces indices, plusieurs bénéfices en ressortent tels que la réduction de la pression effectuée sur les ressources, le renforcement de l’économie locale et la création d’emplois locaux, la diminution des émissions de gaz à effet de serre et des matières résiduelles, l’essor de nouveaux modèles d’affaires ainsi que le développement de technologies et de produits ayant une empreinte environnementale moindre et qui consomment nos ressources de façon économique (RECYC-QUEBEC, 2024).

 

Des études démontrent que la stratégie de reconditionnement permettrait au Royaume-Uni de réduire ses coûts de production de 34%, de réduire ses coûts d’approvisionnement de 70%, d’abaisser son prix de vente de 20% et de doubler la création s’emplois (Québec circulaire, 2024).

 

En soi, l’économie circulaire se présente comme une alternative prometteuse face aux limites du modèle d’économie linéaire qui contribue largement à la crise environnementale, sociale et économique actuelle. Même si elle offre plusieurs avantages concrets et durables à la fois sur le plan environnemental, social et économique, son adoption crée plusieurs défis pour certaines organisations et certains territoires qu’ils soient technologiques, réglementaires, culturels ou organisationnels. Cependant, avec l’avancée des technologies, la sensibilisation auprès des consommateurs qui commence à être de plus en plus présente et les initiatives prises par les gouvernements pour aller vers un monde circulaire, cette transition devient de plus en plus un changement réalisable. Dans le contexte où la surconsommation épuise nos ressources à une vitesse grand V, l’économie de relève plus de l’utopie, mais s’impose comme une stratégie viable et essentielle particulièrement dans le secteur numérique. En transformant nos modes de production, de consommation et de gestion des ressources, nous pouvons ensemble contribuer à bâtir une économie plus résiliente qui respecte les limites planétaires. La réelle question maintenant est, plutôt, comment et à quelle vitesse allons-nous être capable d’effectuer ces changements pour compléter cette transition vers une économie circulaire?

 

BIBLIOGRAPHIE

  1. RECYC-QUÉBEC (2023). L’économie circulaire, une priorité. https://www.recyc-quebec.gouv.qc.ca/entreprises-organismes/performer/economie-circulaire/
  2. Québec circulaire (2024). Concept et définition. https://www.quebeccirculaire.org/static/concept-et-definition.html
  3. Green IT (2019). Empreinte environnementale du numérique mondial. https://www.greenit.fr/etude-empreinte-environnementale-du-numerique-mondial/
  4. Grafström, J., & Aasma, S. (2021). Breaking circular economy barriers. Journal of cleaner production292, 126002.
  5. Ministère de l’Aménagement du Territoire et de la Décentralisation (2024, 6 septembre). Le numérique responsable. https://www.ecologie.gouv.fr/politiques-publiques/numerique-responsable
  6. Gouvernement du Canda (2025). Économie circulaire. https://www.canada.ca/fr/services/environnement/conservation/durabilite/economie-circulaire/preserver-valeur-produits-economie-circulaire.html
  7. Québec circulaire (2024). Stratégie de circularité. https://www.quebeccirculaire.org/static/strategies-de-circularite.html
  8. RECYC-QUEBEC (2024). Responsabilité élargie des producteurs. https://www.recyc-quebec.gouv.qc.ca/entreprises-organismes/se-conformer/responsabilite-elargie-producteurs/
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