Nous remercions la Banque Nationale pour sa commandite qui nous permet d'offrir gratuitement le simulateur de Marketing numérique de HEC MONTRÉAL à nos étudiants du BAA !
Les dark patterns, ou comment les entreprises technologiques nous influencent ?
Avez-vous déjà eu l’impression d’avoir fait une action sans le vouloir sur internet ? Rassurez vous, ce n’est pas le fait de votre inattention mais bien le fruit d’un calcul prémédité réalisé au profit des grandes compagnies du web. Tous nos comportements, jusqu’au clic a priori le plus anodin, peuvent être influencés par des méthodes de manipulation que l’on nomme dark patterns. On décortique leurs mécanismes, les intérêts qu’ils servent et quelques moyens de les contourner.
Dark pattern, un instrument de manipulation
Un dark pattern (en Français : interface truquée) est une technique visant à influencer les comportements des utilisateurs sur une interface web et/ou mobile. Chacune est volontairement conçue pour tromper, manipuler ou faire en sorte que l’utilisateur reste plus longtemps sur un service à l’aide de biais cognitifs et de manipulation. Les entreprises jouent avec nos vulnérabilités psychologiques (consciente ou inconsciente) dans la quête d’attirer l’attention.
L’exemple d’utilisation de dark pattern le plus évocateur serait sans doute le désabonnement d’Amazon Prime, un processus qui s’avère être un véritable labyrinthe rempli de pièges. D’autres exemples comme les cases pré cochées, la conception confuse des boutons, la dissimulation des options de désinscription ou encore la fausse urgence sont des techniques basiques qui sont aujourd’hui bien connues des utilisateurs du web. Pourtant, elles continuent de s’immiscer dans nos pratiques quotidiennes et sont plutôt bonnes pour se faire oublier.
Le profit au détriment de l’éthique
« Les entreprises qui dépendent de la publicité ont perfectionné l’art de capter votre attention pour vous submerger d’information et pour vous tenir le plus longtemps possible et vous montrer plus de pub », Léo Duff
Les dark patterns répondent à des intérêts principalement économiques. En utilisant ces techniques d’optimisation de l’expérience utilisateur, les entreprises peuvent voir augmenter leur taux d’engagement ou leur taux de conversion notamment. Elles incitent ainsi les utilisateurs à réaliser des actions qu’ils n’auraient probablement pas réalisées autrement. Les recherches montrent que les effets entraînent des retombées économiques positives, mais seulement à court terme.
Les résultats sont souvent artificiels et ne reflètent pas une véritable intention d’achat ou d’engagement de la part de l’utilisateur. Le taux de rétention et de fidélisation peut être impacté de façon négative s’ils se sentent manipulés ou frustrés au moment où ils réalisent qu’ils ont été induits en erreur.
En plus de voir partir certains clients, une entreprise qui utilise des tactiques trompeuses risque de voir sa réputation ternie et sa crédibilité remise en cause. L’image de marque sera entachée, et ce de façon durable cette fois-ci. Cela se manifestera en premier lieu par des avis négatifs, des retours de produits et un bouche-à-oreille défavorable.
Le téléphone intelligent, l’arme fatale
Les techniques manipulatoires sont utilisées sur toutes les interfaces numériques mais sont d’autant plus redoutables sur votre téléphone intelligent. Consulté plus d’une centaine de fois par jour et d’une accessibilité sans pareil, il est un terrain parfait pour la mise en œuvre de dark patterns.
« Son usage – premier – a été détourné pour devenir une arme d’addiction comportementale » , Léo Duff
En effet, un dark pattern peut aussi chercher à capter l’attention pour faire passer le plus de temps possible un utilisateur sur une application. Un champ d’étude s’y intéresse, la captologie, dont le précurseur est Brian J. Fogg (Persuasive technology). Les smartphones et applications sociales débordent de petites astuces qui nous font passer plus de temps que prévu et renforcent notre dépendance dans une logique de profit.
Les dark patterns exploitent nos biais cognitifs et instincts naturels. Les couleurs, alertes et notifications stimulent le système nerveux et le cortex sensoriel dans le but de multiplier les interactions. Par exemple, l’utilisation du rouge renforce le sentiment d’urgence qui n’est en réalité pas nécessaire.
A l’image des machine à sous, le scroll, le refresh ou le swipe font appel à des récompenses à intermittence variable et rendent addictives l’utilisation et l’expérience. D’autres failles humaines sont utilisées, comme la peur de manquer quelque chose d’important (aka FOMO). Ce besoin crée fictivement le sentiment de devoir être connecté en permanence.
On pourrait aussi parler de l’approbation sociale, à travers les likes ou les commentaires qui font référence aux besoins d’appartenance (3ème besoin sur la pyramide de Maslow). Le principe de réciprocité sociale est également exploité. Lorsqu’une personne aime notre publication, nous nous sentons redevables et nous souhaitons rendre la pareille. Cela génère une boucle sans fin d’interactions qui incite les utilisateurs à rester sur les plateformes. Aussi, rendre les flux de contenus inépuisables avec la lecture automatique peut s’apparenter à des techniques manipulatoires.
Reprendre le contrôle
Voici quelques recommandations pour contrer les techniques de dark patterns et l’addiction au smartphone.
1 – Ne laisser aucune application sur la page d’accueil
2 – Réserver chaque application pour un usage précis
3 – Désactiver les notifications non nécessaires
4 – Activer régulièrement le mode concentration au travail
5 – Arrêter les vidéos automatiques
-> Notre astuce favorite : Mettre son téléphone en noir et blanc (voir article dans les références pour connaître le chemin à suivre)
« Il a été trouvé par Tristan Harris, ancien ingénieur de Google […] ce réglage retire une partie de l’expérience sans lui enlever la moindre fonction pour retrouver l’équilibre parfait entre confort et usage », Léo Duff
En mettant votre écran en noir et blanc, vous réduirez de jusqu’à 20% votre temps d’écran. Si vous vous situez dans la moyenne, avec une utilisation de 3 heures par jour, à la fin de l’année vous aurez gagné 200 heures de pleine conscience, ou en tout cas de temps libre.
Et pour les accros du scrolling, pensez à supprimer Tik Tok !