Qu’est-ce que le «shadowban» ?
Tout d’abord, le terme «shadowban» ou «shadowbanning» a été créé par la communauté des utilisateurs.trices d’Instagram pour nommer le phénomène et n’a jamais été prononcé par Meta. Ce phénomène est expliqué par le fait que l’algorithme d’Instagram aurait une tendance à limiter la visibilité voir même couper totalement certaines fonctions comptes utilisant la nudité. Principalement des publications de comptes identifiés comme non recommandés selon leurs règles d’utilisation de plateforme (Lovine, Anna. 2023).
Le «shadowban» peut faire référence au fait de ne pas pouvoir trouver un compte dans la barre de recherche, sauf si on écrit son nom au complet. En fait, les publications du compte seront montrés à un très faible pourcentage de ses abonnées. Puis, les publications n’iront pas sur la page «explore» réduisant leur chance de grandir leur communauté et pour certains.es leur clientèle (marques, artistes, etc.).
Les lignes directrices d’Instagram sur la nudité
Selon les lignes directrices de communauté d’Instagram, les utilisateurs.trices doivent « publiez des photos et des vidéos appropriées pour une audience variée». En précisant : «Nous sommes conscients qu’il arrive parfois que des personnes veuillent partager des images de nudité à caractère artistique ou créatif, mais pour un bon nombre de raisons nous n’autorisons pas la nudité sur Instagram. Cela inclut les photos, les vidéos et les autres contenus numériques présentant des rapports sexuels, des organes génitaux ou des plans rapprochés de fesses entièrement exposées. Cela inclut également quelques photos de mamelons de femme, mais les images illustrant l’allaitement, les moments pendant et après l’accouchement, des interventions dans le domaine médical (par exemple, mastectomie, sensibilisation au cancer du sein ou chirurgie de réattribution sexuelle) ou un acte de protestation sont autorisées. La nudité dans les photos de peintures et de sculptures est également acceptable. ».
Bien qu’Instagram n’utilise jamais le terme «shadowban», les utilisateurs.trices de la communauté LGBTQ+, des entreprises d’éducation à la sexualité, des marques de lingerie et des artistes érotiques ont tentés d’avoir des réponses. Cette communauté souhaitait obtenir plus de transparence et de précisions sur le fonctionnement de l’algorithme en réaction à la nudité non pornographique respectant les lignes directrices.
L’apport public de Mark Zuckerberg sur l’enjeu du «shadowban»
En 2018, dans le cadre du communiqué «Blueprint for Content Governance and Enforcement», Mark Zuckerberg a déclaré que l’IA de l’algorithme d’Instagram prenait plus de temps à apprendre à détecter un discours violent qu’une image de nudité. Donc, que leur système peut proactivement retirer 96% de la nudité identifiée contre 52% des discours haineux inapproprié pour la communauté. Il a également ajouté qu’un enjeu important à prendre en compte sur les réseaux sociaux est le fait que les utilisateurs.trices ont tendance à s’engager de façon disproportionnelle avec le contenu provocateur et sensationnaliste.
Donc, que peut importe où la ligne est tracée dans leurs règles de communauté que le contenu qui frôle cette limite va engagé plus de personnes que la norme, mais les utilisateurs.trices aurait avoir tendance aussi à indiquer qu’iels n’aiment pas ce contenu par la suite. Vu cette ambiguïté générale, Mark Zuckerberg indique qu’ils ont commencé à pénaliser le contenu dit «borderline» en éduquant l’IA de leur algorithme pour qu’il reçoive moins de visibilité et d’engagement sur les plateformes Facebook et Instagram. Il a finalement mentionné que si ce type de contenu était moins montré aux utilisateurs.trices cela les décourageraient d’en créer davantage et effacerait tranquillement l’enjeu.
Outil pour évaluer le «shadowban» des comptes professionnels
C’est donc depuis ce temps, que le «shadowban» est plus présent et bien qu’il reste difficile de comprendre l’agorithme d’Instagram, voici une fonctionnalité que Meta a ajouté aux comptes entreprises pour identifier leur contenu dit non-recommandé :
En fait, Adam Mosseri, responsable d’Instagram, a annoncé aux comptes professionnels en décembre 2022 qu’iels peuvent savoir dorénavant quand leur contenu est non-recommandé ce qui indiquerait qu’il ne sera pas visible pour des non-abonnés. Il suffit d’aller sur son compte, d’aller sur le menu après dans les réglages du compte et d’aller vérifier le statut du compte. Il nomme cette nouvelle disposition «nouveaux outils de transparence».
Test de l’outil du «shadowban» avec mon compte professionnel
J’ai testé cette fonction avec le compte Instagram de mon entreprise Fleur Sauvage Lingerie (@fleursauvagelingerie) qui est une marque de lingerie érotique. Voici le résultat :
On peut constater en voyant que le contenu affiché comme non-recommandé par l’algorithme contient seulement des photos et aucune vidéo. Principalement, des photos qui illustrent en gros plan des fesses ou des seins. Comme l’AI de l’algorithme d’Instagram reconnait très bien la nudité, c’est cohérent avec le discours de Meta que le «shadowban» se fasse ici. Par contre, si on regarde les statistiques de la troisième publication cela indique que 1131 comptes ont été atteints dont 281 non-abonnés sur un total de 1660 abonnées.
Cela vient donc contredire l’outil qui m’indique que cette publication devrait être supprimer ou modifier pour que des non-abonnés puissent la voir. Aussi, lors du premier 48 heures où une publication est faite les photos de ma liste vont atteindre seulement 200 comptes sur 1660 abonnés. Cela prendra quelques semaines pour pouvoir rejoindre au moins la moitié des abonnés. Alors, devrait-on se fier aux statistiques ou à l’outil de transparence pour identifier son taux d’engagement sur une compte professionnel?
Les «reels» et la contestation des publications
De plus, l’algorithme ne semble pas aussi à jour avec les vidéos sous forme de «reels», le «shadowban» ne semble pas s’appliquer au même niveau que pour une photo, dans cette exemple. Effectivement, pour mon dernier «reels» publié démontrant une scène de «pole dance» en lingerie, la vidéo a atteint 1639 comptes dont 1034 non-abonnés. Donc, il serait recommandé d’utiliser les «reels» pour pouvoir atteindre une plus grande audience dans le domaine de la nudité sur Instagram par rapport à l’algorithme à ce jour. Bien que pour d’autres publications sélectionnées dans cette liste le nombre de vues, autant abonnées que non-abonnée, est très faible. On peut alors se questionner à savoir si l’utilisation de cet outil apporte de la transparence au compte entreprise présentant de la nudité ou de la confusion ?
Instagram a d’ailleurs indiqué également qu’avec le nouvel outil, il était maintenant possible de demander une révision pour obtenir un deuxième avis sur une publication non-recommandé. Or, lorsque j’ai demandé une révision pour deux différentes publications de mon compte entreprise, Instagram a bloqué mon accès aux publicités de manière définitive. C’est également une crainte de la communauté que plus on interagit avec l’AI de l’algorithme et plus on pourrait avoir de chance de se faire «shadowban» et non le contraire comme Instagram semble véhiculer. À noter que si je publie sur mon compte professionnel une photo de lingerie sans modèle ou un texte seulement et que je n’identifie aucun produit de la collection ni d’hashtag, la publicité pourra se faire dans ces restrictions.
Quel impact le «shadowbanning» peut avoir sur une entreprise?
Le «shadowban» d’Instagram piloté par l’AI de son algorithme est donc très imprévisible et sujet à se modifier du jour au lendemain offrant beaucoup d’instabilité aux entreprises qui utilisent la nudité dans leurs publications. Dans une société où le numérique est omniprésent dans une stratégie marketing, le «shadowban» peut apporter de grands défis, son lot de stress et de découragement. On peut difficilement identifier si son compte sera limité ou même supprimé. C’est pourquoi plusieurs entreprises ou artistes dans le domaine de l’érotisme et de la sexualité se crée un «backup account».
Il peut y avoir de grands impacts sur la santé mentale dont la baisse de l’estime de soi et l’anxiété résultant de l’instabilité financière que certains peuvent vivre ne réussissant pas à augmenter leur clientèle ou même rejoindre celle déjà engagée. Surtout que pour les comptes dit non-recommandé, les publications sont montrés à environ 10% de leur abonnée seulement. Le «shadowban» d’Instagram peut avoir comme impact également d’indiquer que la nudité est associée à un enjeu négatif, qu’on ne devrait pas en montrer ni en parler à grand public. Cela invalide donc les démarches des marques qui travaillent à éduquer sur la sexualité, à normaliser la nudité dans un contexte non sexuel, à faire rayonner la diversité des corps et l’inclusion de genre, etc.
On peut dire qu’en conclusion, la seule transparence sur le «shadowban» qu’Instagram présente dans ces lignes est le tissu affiché sur les courbes de mon compte professionnel Fleur Sauvage Lingerie.
Sources :
https://www.instagram.com/fleursauvagelingerie/
https://mashable.com/article/instagram-shadowbanning-lgbtq-sex-educator-accounts
https://help.instagram.com/477434105621119?helpref=page_content
https://about.instagram.com/blog/announcements/account-disable-policy-changes-on-instagram