La mode rapide (Fast Fashion), un modèle économique provenant de l’industrie de la mode, a pris de l’essor dans les années 1990. Elle se caractérise en satisfaisant les tendances éphémères avec sa production rapide et peu coûteuse d’une quantité incommensurable de vêtements. Ayant pour objectif de créer une addiction chez ses consommateurs avides de nouveautés et de petits prix, cette industrie est de plus en plus préoccupante. Empiré par le marketing numérique, plus précisément marketing d’influence, son impact négatif sur l’environnement et la société ne fait que s’aggraver.
Proposer et acheter des articles de mode suivants des cycles de tendance de plus en plus courts change définitivement la façon de promouvoir cette industrie. Ici, il est question d’une évolution du modèle de vente de la Fast Fashion au Real Time Fashion (la mode en temps réel). La mode rapide est donc poussée à son extrême.
Qu'est-ce que le Real Time Fashion?
C’est un modèle de vente qui s’appuie sur un cycle très court entre la phase de production et la phase de vente. Cette approche commerciale, dérivée de la mode rapide, s’adapte aux tendances les plus populaires, aux modes éphémères et aux changements de goûts pour pratiquement répondre à la demande des consommateurs en temps réel avec des produits disponibles et abordables.
L’ère des collections printemps/été et automne/hiver est mise de côté. En réalité, les compagnies se concentreront plutôt sur les vêtements qui prendront d’assaut Internet et les intégreront à leur site le plus rapidement possible.
Le Real Time Fashion et le Marketing Numérique : Une combinaison gagnante
L’industrie du Real Time Fashion est étroitement liée au marketing numérique et au marketing d’influence. Les plateformes Web, utiles aux compagnies, fournissent des données en temps réel sur le comportement des consommateurs. Pour s’adapter à leurs préférences, les médias sociaux, tels que Instagram ou TikTok, sont des moyens par lesquels les marques de mode peuvent avoir de précieuses informations sur leur clientèle. Elles peuvent ensuite les utiliser pour éclairer leurs stratégies de développement rapide de produits et de marketing.
De plus, en utilisant des algorithmes d’analyse de données et d’apprentissage automatique, les compagnies qui prônent la mode rapide peuvent analyser rapidement le comportement et les préférences des consommateurs afin de leur fournir des recommandations personnalisées en temps réel. Cet avantage lié à l’aspect numérique permet aux entreprises d’avoir une longueur d’avance sur la concurrence avec des produits idéals pour chaque individu.
Les 3 principaux enjeux de la mode rapide
1. Le cycle vicieux des micro-tendances et des influenceurs
Au cours du 20e siècle et au début du 21e siècle, les cycles de tendances de la mode pouvaient durer entre 20 et 30 ans. À ce jour, l’émergence du phénomène des micros-tendances est apparu avec l’avènement des médias sociaux et a su changer cette durée.
Tout d’abord, il est important de comprendre les 4 phases distinctes de l’évolution d’un produit : le lancement, la croissance, la maturité et le déclin. Dans le contexte du Real Time Fashion qui utilise le marketing d’influence, les étapes de lancement et de croissance sont en réalité fusionnées en une seule étape, expliquant la brièveté des cycles actuels. Ici, leur stratégie se base sur le simple fait de lancer sans cesse des produits éphémères qui seront rapidement remplacés.
Face à cette nouvelle réalité, les compagnies n’ont d’autres choix que de constamment devoir renouveler leurs idées pour suivre ce rythme. Le marketing d’influence amplifiera d’ailleurs ce phénomène sans fin. En effet, cette sorte de marketing consiste à l’envoi de milliers de vêtements aux macro et micro-influenceurs des médias sociaux, qui pourront déballer et publier leur avis simultanément, créant ainsi une illusion de tendance.
2. Les conditions de travail inhumaines
Puisque la mode rapide est un modèle commercial qui produit et vend rapidement des vêtements peu chers, les compagnies prendront la judicieuse astuce de délocaliser leurs usines pour s’installer dans des pays où la main-d’œuvre est bon marché, tel que le Bangladesh et le Vietnam, mais où les conditions de travail sont désastreuses. Elles prendront avantage des faibles réglementations et normes de sécurité pour s’y installer.
Plus de 40 millions de personnes seront soumis à de très mauvais salaires, malgré leurs longues heures de travail, et se retrouveront dans un environnement de travail dangereux et insalubre. Bien entendu, ces individus n’ont pas accès aux protections sociales comme l’assurance-maladie ou les congés payés. À titre d’exemple, le salaire moyen au Bangladesh est de 0,40$ par heure et compte 15% d’enfants entre 6 et 14 ans qui travaillent 64 heures par semaine. À vrai dire, 90% des travailleurs de l’industrie de la mode rapide n’ont aucune possibilité de négocier quoi que ce soit.
Chaque achat qui encourage la mode rapide motive davantage les patrons de centres de production à continuer leur acharnement sans relâche. Il y a encore un sérieux travail à faire pour cesser cette sorte d’esclavagisme.
3. Les répercussions environnementales
Tel que nous le savons, avec le marketing d’influence, les industries du Real Time Fashion utilisent des médias sociaux comme TikTok pour encourager la surconsommation, et ce, en utilisant un algorithme poussant les utilisateurs à acheter sans relâche. Conséquemment, l’environnement en souffre.
Pour remettre le tout en perspective, selon la fondation Ellen MacArthur, 2 625 kilos de vêtements sont jetés ou brulé chaque seconde. « De quoi remplir l’Empire State Building de New York une fois et demi chaque jour! » (Cipriani, 2019) Il s’avère que ses produits sont ceux qui découlent principalement de ce type d’industrie en raison de leur faible durabilité. En réalité, les vêtements sont généralement fabriqués à partir de fibres synthétiques de mauvaise qualité. Le polyester, principalement composé de plastique, est un parfait exemple de matériel problématique. Beaucoup trop utilisé dans l’industrie de la mode, il est un des textiles qui prend au moins 200 ans à se décomposer.
Sachant que les industries de la mode rapide produisent plus de 100 milliards de vêtements par année, il en va de soi que les impacts environnementaux soient encore loin d’être réglés, tant et aussi longtemps qu’une certaine sensibilisation ne soit atteinte.
Shein : Une preuve qui vaut mille mots
Shein, une célèbre entreprise de mode rapide utilisant le Real Time Fashion, est désormais la plus grande compagnie transfrontalière de commerce électronique de son domaine, touchant les consommateurs des États-Unis, de la France, de la Russie, de l’Allemagne et de 200 autres pays. Avec plus de 177 millions de téléchargements de son application, Shein compte plus de 43,7 millions d’utilisateurs à travers le monde, dont plus de 10 millions d’utilisateurs actifs mensuels simplement aux États-Unis.
Shein est une entreprise qui tire son avantage du Real Time Fashion en identifiant rapidement les tendances de la mode et en minimisant les cycles de fabrication. De cette manière, la compagnie conçoit, prototype et expédie ses produits plus rapidement que ses concurrents. Publiant entre 500 et 2000 nouveaux vêtements chaque jour avec son marketing d’influence, Shein propose des articles populaires auprès des jeunes consommateurs à une cadence soutenue.
À ce rythme effréné de production, l’entreprise utilise fréquemment le marketing des micro-influenceurs. Les influenceurs font des placements de produits et reçoivent jusqu’à 20% de commission avec les ventes de référencement de la compagnie. Avec cet aspect attrayant, Shein n’est clairement pas près de fermer ses portes.
La dure réalité avec la mode rapide...
La mode rapide a su redéfinir les codes de l’industrie de la mode avec sa production rapide et peu coûteuse de vêtements non durables. Encourageant la détérioration de l’environnement, les mauvaises conditions de travail et la surconsommation abusive, ce modèle économique utilise à présent des cycles de tendances de plus en plus courts avec le Real Time Fashion et l’utilisation du marketing d’influence. Ce cercle vicieux risque-t-il de finir un jour? La réponse est simple. Non, tant et aussi longtemps que nous ne privilégions pas la durabilité et la qualité plutôt que la quantité.
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