L’IA générative dans le marketing : outil incontournable ou menace pour l’intégrité des données et contenus?

Par lemaitremyrtil
22 octobre 2025 · 2 vues
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Blog rédigé par Myrtil Lemaitre – bonne lecture

Et si la créativité n’était plus seulement humaine ?

Le nouveau visage du marketing créatif

Il y a encore quelques années, les campagnes marketing reposaient sur des brainstormings d’équipes, des agences de création débordant d’idées et des allers-retours interminables entre rédacteurs et graphistes. Aujourd’hui, une partie de ce travail se fait en quelques clics.
ChatGPT rédige des accroches. Midjourney imagine des visuels en quelques secondes. Jasper, Copy.ai ou Canva Magic Studio deviennent les nouveaux assistants de campagne. En apparence, tout cela semble magique : plus de créativité, moins de coûts, plus de rapidité.
Mais derrière cet enthousiasme, une question essentielle se pose : l’IA générative est-elle une bénédiction pour le marketing ou une menace pour l’intégrité des données et des contenus ?

IA Marketing : Révolution Éthique

Quand l’humain nourrit la machine

Le marketing a toujours eu pour obsession de comprendre l’humain. Avec l’IA générative, c’est l’humain qui nourrit la machine. Des milliards de textes, d’images et de données issues du web sont absorbés pour générer des contenus “originaux”. Les équipes marketing s’en servent pour produire à la chaîne slogans, emails, scripts ou publicités personnalisées.
Selon Grewal et al. (2024), cette automatisation transforme en profondeur les processus créatifs : les marketeurs ne conçoivent plus seulement des idées, ils orchestrent des systèmes d’IA capables de les décliner en temps réel.

étape du processus de vie des machines learning

La promesse est séduisante. Une étude de McKinsey (2024) estime que l’IA générative pourrait accroître la productivité marketing mondiale de plus de 460 milliards de dollars par an. Des entreprises comme Coca-Cola ou Klarna l’ont déjà compris. La première a lancé une campagne co-créative avec DALL·E et ChatGPT (Create Real Magic), quand la seconde revendique plus de 10 millions de dollars d’économies annuelles en production visuelle. Ces exemples montrent que l’IA générative ne remplace pas forcément la créativité humaine, mais qu’elle la démultiplie.

Pourtant, cette puissance a un revers. Car l’IA ne crée pas à partir de rien : elle apprend du passé. Et le passé, souvent, est biaisé.

Le revers de la médaille : biais, données et confiance

C’est là que le bât blesse. Une IA entraînée sur des contenus non diversifiés peut reproduire des stéréotypes, renforcer certaines représentations et en invisibiliser d’autres.
Des chercheurs comme Haase & Hanel (2023) ont d’ailleurs observé que si l’IA peut égaler la créativité humaine dans la forme, elle reste limitée dans sa capacité à saisir la nuance, le contexte et la sensibilité culturelle. Ce constat est particulièrement vrai dans le marketing international, où un même message peut résonner très différemment selon les cultures.

« Plus la personnalisation est poussée, plus la frontière entre pertinence et intrusion devient floue. »

Journal of Public Policy & Marketing (2024)

D’autres risques sont plus insidieux. Les données client, utilisées pour alimenter la personnalisation des messages, soulèvent des inquiétudes majeures. Le RGPD fixe un cadre, mais l’IA générative le bouscule. Certains outils peuvent exploiter des informations issues de sources publiques sans consentement explicite.
Une étude publiée dans le Journal of Public Policy & Marketing (2024) rappelle que “plus la personnalisation est poussée, plus la frontière entre pertinence et intrusion devient floue”. En d’autres termes, à force de vouloir parler au consommateur “comme à un ami”, les marques finissent parfois par franchir la ligne rouge de la vie privée.

La vérité à l’épreuve de la génération automatique

Il y a aussi la question de la vérité. Une IA générative ne vérifie pas les faits ; elle prédit les mots ou les images les plus probables. Cela suffit à produire des contenus persuasifs, mais pas forcément exacts.
Mukherjee (2024) montre comment certaines campagnes ont intégré sans le savoir des témoignages “utilisateurs” générés par IA, c’est-à-dire de faux avis produits automatiquement à grande échelle. Le phénomène du deepfake marketing s’étend : de fausses voix d’influenceurs, de faux visages, de fausses citations.
L’intégrité des contenus devient alors un enjeu central. Comment garantir qu’un message publicitaire reflète la réalité ? Et surtout, comment préserver la confiance d’un consommateur déjà saturé d’informations douteuses ?

L’ironie, c’est que cette même technologie, utilisée sans discernement, peut détruire la valeur qu’elle crée. Une marque qui abuse de contenus automatisés finit par perdre ce qui la rend unique : sa voix. Les algorithmes tendent à homogénéiser le style, à lisser les émotions. Comme le souligne Patil (2024), la standardisation créative est aujourd’hui le principal danger du marketing piloté par IA.

Des usages inspirants et des dérives révélatrices

Pour autant, tout n’est pas sombre. Les exemples de réussite existent à condition d’un usage réfléchi.
Levi’s, par exemple, a testé l’utilisation de mannequins générés par IA pour illustrer la diversité de ses collections. L’initiative a été critiquée, mais elle a ouvert un débat sain sur la représentation et la transparence.
Canva, de son côté, a choisi une autre voie : faire de l’IA un outil accessible à tous, un levier d’autonomisation des créateurs plutôt qu’un substitut aux designers.
La recherche académique confirme cette approche hybride. Une étude publiée dans Computers (MDPI, 2023) montre que les entreprises combinant créativité humaine et IA génèrent des campagnes perçues comme plus authentiques, tout en conservant un gain de productivité significatif.
L’équilibre semble donc être la clé : ni rejet dogmatique, ni adoption aveugle.

Les conditions d’un marketing responsable

Mais comment atteindre cet équilibre ?
D’abord en posant des garde-fous clairs. Les entreprises ont tout intérêt à adopter une charte éthique IA, précisant quand et comment les contenus sont générés. La transparence devient un argument de crédibilité.
Ensuite, il faut veiller à la qualité des données. Une IA qui apprend sur des données biaisées produira des biais. Les audits de données, longtemps réservés aux équipes informatiques, doivent devenir un réflexe marketing.
Enfin, la formation reste essentielle. Les marketeurs de demain devront être capables de “parler IA”, de comprendre ses limites et ses logiques probabilistes. Comme le rappelle Grewal et ses co-auteurs (2024), les compétences analytiques et éthiques deviendront aussi stratégiques que la créativité elle-même.

Et peut-être que c’est là la véritable révolution : non pas celle d’une machine qui remplace l’humain, mais celle d’un humain qui apprend à penser différemment grâce à la machine.

« Ce n’est pas l’IA qui est éthique ou non,

c’est la manière dont nous décidons

de l’utiliser. »

World Economic Forum (2023)

Conclusion

Alors, l’IA générative est-elle un outil incontournable ou une menace ?
Probablement les deux à la fois. Elle bouscule le marketing comme l’imprimerie a bouleversé la communication, en démocratisant la création mais aussi en fragilisant la notion d’authenticité.
Le défi ne sera pas de produire plus, mais de produire mieux : des campagnes intelligentes, respectueuses, traçables.
Les marques qui réussiront ce pari, celles qui sauront conjuguer la puissance de l’IA avec l’exigence humaine de vérité, façonneront un marketing non seulement performant mais durable.

Et si l’avenir du marketing ne consistait pas à faire parler les machines, mais à apprendre à écouter ce qu’elles révèlent de nous ?

Bibliographie

Grewal, D., Satornino, C. B., Davenport, T., & Guha, A. (2024). How generative AI is shaping the future of marketing. Journal of the Academy of Marketing Science. https://link.springer.com/article/10.1007/s11747-024-01064-3

Patil, D. (2024). Generative Artificial Intelligence in Marketing and Advertising: Advancing Personalization and Optimizing Consumer Engagement Strategies. SSRN Papers. https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=5057404

Mukherjee, A. (2024). Safeguarding Marketing Research: The Generation, Identification, and Mitigation of AI-Fabricated Disinformation. arXiv. https://arxiv.org/abs/2403.14706

Haase, J., & Hanel, P. H. P. (2023). Comparing the creativity of ChatGPT and humans. arXiv. https://arxiv.org/abs/2303.12003

Journal of Public Policy & Marketing. (2024). Generative AI in Marketing: Promises, Perils, and Public Policy. SAGE Publications. https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/07439156241286499

Computers (MDPI). (2023). Transforming Digital Marketing with Generative AI. MDPI. https://www.mdpi.com/2073-431X/13/7/168

McKinsey & Company. (2024). How Generative AI Can Boost Consumer Marketing. https://www.mckinsey.com/capabilities/growth-marketing-and-sales/our-insights/how-generative-ai-can-boost-consumer-marketing

Reuters. (2024). Klarna using GenAI to cut marketing costs by 10 million annually. https://www.reuters.com/technology/klarna-using-genai-cut-marketing-costs-by-10-mln-annually-2024-05-28

Organisation for Economic Co-operation and Development (OECD). (2025). The effects of generative AI on productivity, innovation and entrepreneurship. OECD Artificial Intelligence Papers No. 39. https://www.oecd.org/content/dam/oecd/en/publications/reports/2025/06/the-effects-of-generative-ai-on-productivity-innovation-and-entrepreneurship_da1d085d/b21df222-en.pdf

World Economic Forum. (2023). Data Equity: Foundational Concepts for Generative AI. https://www3.weforum.org/docs/WEF_Data_Equity_Concepts_Generative_AI_2023.pdf

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