Strava : la nouvelle plateforme sociale pour les sportifs
Strava, fondé en 2009, est une application où les utilisateurs peuvent enregistrer et publier leurs données de performance d’activités sportives. Cette plateforme est très populaire parmi les sportifs de la génération Z, qui cherchent à partager leurs exploits et à se connecter avec d’autres utilisateurs partageant les mêmes intérêts. Grâce à ses fonctionnalités interactives, Strava transforme l’exercice physique en une expérience sociale allant bien au-delà du simple suivi d’entraînements. Cette application compte la plus grande communauté sportive en ligne, avec plus de 120 millions d’utilisateurs actifs (Elevate Agency, 2024).
Modèle d’abonnement
Strava propose une version gratuite qui inclut des fonctionnalités de base. Il existe aussi un abonnement premium offrant des fonctionnalités avancées, comme des analyses de performance détaillées et des recommandations personnalisées. Le modèle “freemium” permet aux utilisateurs de découvrir les avantages de l’abonnement premium avant de payer, avec un essai gratuit de 30 jours (Borbely, 2020).

Collecte de données : un suivi détaillé et personnalisé
En tant qu’application de fitness, Strava s’appuie sur une collecte massive de données (Big Data) pour offrir une expérience entièrement personnalisée. Elle enregistre des données détaillées sur les performances des utilisateurs, telles que la vitesse, la distance, la durée, le rythme cardiaque et les itinéraires GPS. Ces données sont ensuite analysées pour identifier les habitudes, les préférences et les niveaux de performance, tant chez l’individu que dans les tendances générales de la communauté.
Grâce à cette collecte de données, Strava peut suggérer des itinéraires, proposer des défis adaptés au niveau de chaque utilisateur. En s’appuyant sur la “gamification” — avec des classements, des badges et des récompenses pour chaque amélioration de performance — l’application crée un environnement compétitif et engageant qui incite les utilisateurs à revenir sur la plateforme pour progresser et montrer leur avancement. De plus, l’une des fonctionnalités de l’application consiste à partager des photos et des vidéos illustrant la pratique de leur sport. Selon Strava Press, chaque semaine, ce sont plus de 10 millions de photos qui sont partagées. Cependant, la question se pose : qui possède maintenant ces images, l’utilisateur ou l’application Strava ?
Utilisation des données
Strava utilise les données à deux fins majeures
- Pour améliorer l’expérience utilisateur : Strava peut recommander des parcours, proposer des défis personnalisés et suivre les progrès des utilisateurs grâce aux données. Par exemple, un athlète expérimenté recevra des objectifs appropriés à son niveau, tandis qu’un débutant bénéficiera de recommandations personnalisées en fonction de sa progression.
- Strava recueille des renseignements confidentiels à des fins commerciales, notamment les données de localisation et les statistiques de rendement. Ces données peuvent être vendues à des parties tiers (par exemple, à des autorités locales qui souhaitent analyser les déplacements des cyclistes [Strava Metro]). Cette utilisation des données peut toutefois soulever des inquiétudes éthiques ainsi que des questions concernant le respect de la vie privée.

Les enjeux : confidentialité, sécurité et régulations
Bien que la personnalisation puisse renforcer l’engagement des utilisateurs, la collecte de données personnelles sensibles, telles que la localisation et la fréquence des déplacements, présente des dangers.
- Sécurité des usagers : Les utilisateurs peuvent innocemment divulguer leur adresse personnelle ou leurs habitudes routinières en publiant des trajets détaillés, ce qui peut compromettre leur sécurité. En 2018, une controverse est apparue lorsque des itinéraires publiés sur Strava ont révélé l’emplacement de bases militaires secrètes américaines, grâce aux déplacements répétés de militaires utilisant l’application sur des terrains d’opération (Mali, Syrie, Afghanistan, Irak…) (Genevois, 2018). Strava a depuis ajouté des options de confidentialité permettant de flouter les points de départ et d’arrivée, mais cela reste une préoccupation pour certains utilisateurs.

- Le problème de la gamification : La gamification, bien que motivante, peut inciter certains utilisateurs à adopter des comportements compulsifs pour obtenir des récompenses et des badges. Cela soulève des préoccupations morales quant aux répercussions psychologiques de ces méthodes, en particulier lorsqu’elles incitent les utilisateurs à s’exposer excessivement sur la plateforme. (Silva, janvier 2024).

- Accès aux informations personnelles ; En effet, dans la politique de confidentialité, on y retrouve ce passage ; « Strava peut recueillir ou déduire des informations médicales. Certaines informations médicales peuvent être déduites de sources comme la fréquence cardiaque ou d’autres mesures, notamment la puissance, la cadence, le poids ou d’autres indicateurs. » Si ces informations sont mal protégées ou utilisées de manière abusive, elles pourraient être vendues à des annonceurs ciblant des audiences spécifiques en fonction de leur condition physique. Cette situation pourrait entraîner des discriminations basées sur l’état de santé des utilisateurs, ce qui est contraire aux principes de protection de la vie privée et d’égalité.

Prise de position
Je pense qu’il est essentiel pour Strava d’aller au-delà des mesures de confidentialité actuelles et de prendre des responsabilités supplémentaires pour protéger réellement sa communauté, en particulier sur le plan des données personnelles. Il ne suffit pas de cacher la géolocalisation des utilisateurs ou de « flouter » certains détails ; Strava devrait s’engager à cesser de monétiser les données personnelles produites par ses utilisateurs. La vente de données biométriques ou de géolocalisation expose les utilisateurs à des risques de surveillance et de manipulation qui vont bien au-delà de ce qu’ils pourraient imaginer en téléchargeant une application de fitness. À mon avis, la sécurité et la vie privée de chaque individu doivent primer sur les bénéfices financiers.
Si vous voulez en savoir plus sur la gamification, je vous conseille l’article suivant : Marketing numérique et gamification
Sources
Borbely, A. (2020, 9 décembre). This Growth Strategy Led Strava to a $1.5B Valuation. Medium. https://medium.com/scale-fanatics/this-growth-strategy-led-strava-to-a-1-5b-valuation-c68d8c083e41
Elevate Agency. (2024). Le data dans le sport. https://www.elevate-agency.com/blog/data-sport/
Genevois, S. (2018, 21 février). Strava et les enjeux des Big data. Cartonumérique. https://cartonumerique.blogspot.com/2018/02/strava-et-le-monde-des-big-data.html
Silva, C. (2024, 10 janvier). With Strava, no one runs alone anymore. That’s the problem. Mashable. https://mashable.com/article/strava-anxiety-joy-self-surveillance?fbclid=IwAR3rfGjynTPe8PvsBwgEjR6EfnVENdMbQx4D9TyFgh0FvkRxze8Oj3e_958
Strava Metro. (n.d.). Where should we locate bike counters and bike share stations? A temporal analysis using Strava data. https://metro.strava.com/case-studies/where-should-we-locate-bike-counters-and-bike-share-stations-a-temporal
Strava Press. (2024, 3 janvier). Strava publie son Rapport des tendances de l’Année sportive, qui montre ce qui fait ou défait la motivation d’une génération à l’autre. https://press.strava.com/fr/articles/strava-releases-year-in-sport-trend-report