Greenwashing dans l’industrie tech : comment distinguer les engagements réels du marketing trompeur ?

Par lemaymarcantoine
23 juin 2025 17
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Greenwashing dans l’industrie tech

Greenwashing dans l’industrie tech

Cet article a pour but d’explorer le concept d’écoblanchiment et de répondre à la question suivante : Le greenwashing dans l’industrie tech : comment distinguer les engagements réels du marketing trompeur? Le concept de greenwashing ou d’écoblanchiment désigne la pratique d’une entreprise qui se donne une image plus verte ou plus écologique qu’elle ne l’est réellement. Il s’agit donc d’un écart entre le discours marketing qui est orienté vers la durabilité et les actions réelles qui sont limitées, voire inexistantes (Vangeli et al., 2023).  Dans l’industrie technologique, où les enjeux climatiques sont de plus en plus visibles, notamment à travers la consommation énergétique massive des serveurs ou l’extraction de ressources rares, le greenwashing devient une stratégie de plus en plus utilisée par les entreprises pour rassurer les consommateurs et les investisseurs (Commission européenne, 2021). Cependant, cette pratique soulève des enjeux fondamentaux sur la responsabilité sociale, la véracité des messages diffusés et l’impact réel sur la transition écologique.

Ce sujet est particulièrement pertinent dans le cadre du cours sur la responsabilité numérique des organisations, car il met en lumière les tensions qui existent entre performance commerciale, initiative environnementale et communication marketing. Alors que les promesses de carboneutralité se multiplient, souvent appuyées sur des mécanismes de compensation carbone discutables, il devient crucial de distinguer les engagements réels du marketing trompeur (Bureau de la concurrence Canada, 2025). Il est donc important de bien comprendre le contexte économique, les risques sociaux et les limites politiques du greenwashing pour avoir une vision claire de la situation et espérer atteindre une communication numérique plus éthique et transparente.

 

Contexte économique

Premièrement, au niveau économique, l’éco-blanchiment est souvent utilisé comme un levier stratégique pour attirer des investisseurs, séduire les consommateurs et se positionner de façon favorable sur un marché. Par exemple, certaines firmes techs vont annoncer des objectifs de carboneutralité sans préciser les moyens réels pour y parvenir et vont utiliser des stratégies de compensation carbone difficilement vérifiables (Bureau de la concurrence, 2025). Ces pratiques permettent de bénéficier d’avantages concurrentiels tout en minimisant les efforts nécessaires à une réelle transformation environnementale (Carrington, 2023).

Contexte Social

Deuxièmement, du côté consommateur, les communications environnementales vagues ou non vérifiables des entreprises alimentent la confusion et peuvent créer de la méfiance (Bureau de la concurrence, 2022). En effet, une enquête de la Comission européenne en 2021 à révéler que plus de 42 % des sites web qui ont été examinés présentaient des allégations environnementales exagérées, fausses ou trompeuses, susceptibles de constituer des pratiques commerciales déloyales au regard du droit de l’UE (Commission européenne, 2021).

Contexte Éthiques

Troisièmement, le greenwashing soulève une question centrale de transparence et d’intégrité. En effet, présenter une initiative comme étant durable sans amélioration concrète revient à manipuler la perception des consommateurs. Le problème est encore plus préoccupant dans le secteur tech, où les discours de durabilité servent à masquer des pratiques intensives en énergie et en ressources (Delmas & Burbano, 2011)

Contexte Juridique

Au niveau politique, l’écoblanchiment amène certains régulateurs comme l’Advertising Standards Authority (ASA) ou la Commission européenne à sévir contre les allégations mensongères. En 2023, plusieurs publicités de compagnies aériennes ont été interdites pour greenwashing (Carrington, 2023). Ceci montre une importance au niveau politique de protéger les consommateurs et d’encadrer le marketing écologique.

Contexte Environnementaux

Finalement, le greenwashing peut créer un ralentissement dans la transition écologique en détournant l’attention des efforts réels. En effet, la tendance de l’écoblanchiment vient décourager l’innovation durable réelle et crée un faux sentiment de progrès (Delmas & Burbano, 2011). Ceci vient réduire les efforts collectifs qui sont nécessaires pour faire face à l’urgence climatique (Vangeli et al., 2023).

Analyse critique des approches actuelles

Malgré l’attention croissante portée aux enjeux environnementaux dans le secteur technologique, les approches actuelles pour encadrer le greenwashing numérique restent largement insuffisantes. Premièrement, il existe peu de standards reconnus permettant de vérifier objectivement la performance écologique des plateformes ou des services numériques (Delmas & Burbano, 2011). Des initiatives comme le Carbon Trust ou certains outils d’analyse de cycle de vie existent, mais elles sont encore trop peu utilisées dans le secteur du numérique (Vrikki, 2023). Les entreprises peuvent donc revendiquer des pratiques durables sans passer par une validation tierce ce qui vient aggraver le problème.

Une autre critique des approches actuelles concerne le conflit entre la croissance accélérée des technologies numériques et les objectifs climatiques globaux. Par exemple, le développement de l’intelligence artificielle, du cloud et des centres de données exigent une quantité croissante d’énergie et de ressources matérielles. Cependant, ces impacts sont rarement mentionnés dans les communications environnementales des géants du numérique (Vangeli et al., 2023). Certaines firmes vont même mettre de l’avant des engagements de carboneutralité sans inclure les impacts indirects de leurs services, comme l’énergie nécessaire au fonctionnement des algorithmes ou les impacts environnementaux liées à la fabrication des serveurs (Chandrakumara, 2023).

Finalement, il existe un problème entre les messages véhiculés par les dirigeants d’entreprise et les actions concrètes de leurs organisations. Par exemple, Elon Musk a désactivé les politiques de modération de contenu liées à la désinformation climatique sur X (anciennement Twitter) et sa plateforme continue d’amplifier les discours niant l’urgence climatique (Climate Action Against Disinformation, 2023). Cette décision vient à l’encontre des principes fondamentaux de la responsabilité numérique et favorise une désinformation qui est nuisible à la mobilisation environnementale.

 

Le cas X depuis l’ère Musk

Depuis l’arrivée d’Elon Musk à la tête de X, plusieurs décisions stratégiques ont suscité des préoccupations en matière de responsabilité numérique et environnementale. En 2023, xAI, une filiale de Musk, a lancé le projet Colossus, un méga centre de données basé à Memphis qui est alimenté par des turbines au gaz (Kerr, 2025). Cette décision a été vivement critiquée par des citoyens et plusieurs groupes environnementaux, car elle consommait énormément d’énergie et menaçait même la qualité de l’air dans la région (Data Center Dynamics, 2025). Face à la pression médiatique, l’entreprise a annoncé le retrait partiel de ces turbines, sans pour autant publier de nouvelles politiques environnementales claires (Data Center Dynamics, 2025).

En parallèle, X a aussi été pointé du doigt pour sa mauvaise gestion de la désinformation climatique. Dès son arrivé, Elon Musk a procédé à des coupures massives dans les équipes chargées de la modération de contenu, notamment celles liées à l’environnement (Bloomberg, 2023). De plus, les anciennes politiques qui encadraient les publications liées au climat chez Twitter ont été abandonnées sans aucun remplacement clair (Washington Post, 2022).

Selon un rapport publié par Climate Action Against Disinformation, X est devenu en 2023 la plateforme la plus problématique en matière de diffusion de fausses informations environnementales devant Meta et YouTube. Le rapport précise que la suppression des avertissements et des systèmes de vérification a permis à des publications climato-sceptiques d’atteindre la plateforme (Climate Action Against Disinformation, 2023). Ces décisions posent problème, car elles nuisent à la compréhension publique des enjeux climatiques et empêchent d’avancer collectivement vers une solution.

De l’autre côté, des entreprises technologiques comme Meta ou TikTok sont aussi à critiquer, mais elles font preuve d’une légère cohérence entre leurs messages et leurs actions. Meta, par exemple, s’est engagée à atteindre la carboneutralité pour ses propres opérations et veut alimenter ses centres de données uniquement avec de l’énergie renouvelable (Climate Action Against Disinformation, 2023). Bien qu’il y ait certaines zones grises concernant les chaînes d’approvisionnement et leurs pratiques de compensation carbonne, des rapports réguliers et des objectifs chiffrés ont été publiés, ce qui représente un effort vers une meilleure de transparence (Vangeli et al., 2023).

 

Vers des pistes de solutions

Les gouvernements

Le premier acteur qui a un rôle important à jouer concernant l’éco-blanchiment sont les gouvernements. Dans leur cas, une première mesure serait d’imposer des règles strictes concernant le greenwashing dans le numérique et qui s’appliquerait spécifiquement aux géants de la tech, aux plateformes sociales et aux services cloud. Le Bureau de la concurrence du Canada début dans cette direction et exigeant aux entreprises candiennes qu’elles soient en mesure de prouver, de façon claire et documentée, toute affirmation environnementale qu’elles font (Bureau de la concurrence, 2022).

Aussi, les gouvernements et les pays ont un rôle important à jouer au niveau du mix énergétique qu’ils offrent aux entreprises. En effet, les entreprises opérant dans un pays avec un mix énergétique propre à base d’énergie renouvelable peuvent voir leur émission de gaz à effet indirect diminuer drastiquement. Cette initiative est importante pour permettre aux entreprises d’atteindre leurs objectifs ESG et peut même être vue comme un avantage concurrentiel qui inciterait les entreprises à relocaliser certaines de leurs activités dans ces pays ou région (Hydro-Québec, 2025). C’est le cas du Québec qui offre un mix énergétique plus propre grâce à la production d’électricité via l’hydroélectricité, ce qui devient intéressant pour les entreprises voulant diminuer les émissions de scope 2.

De plus, les gouvernements comme celui du Canada peuvent renforcer leurs sanctions en interdisant temporairement certaines publicités trompeuses ou en imposant des amendes plus importantes comme il a déjà été fait en Europe dans le cadre de campagnes mensongères dans le secteur aérien qui prônaient des vols plus « Vert » (Topham, 2023).

Les entreprises

Le deuxième acteur clé pour entamer un changement réel sont les entreprises. Les entreprises canadiennes et de partout dans le monde doivent cesser de vouloir acquérir une image verte à tout prix. Elles doivent démontrer des efforts réels par des rapports environnementaux détaillés et publiés régulièrement. C’est ce que recommande notamment le Carbon Trust, un organisme indépendant qui offre des outils de certification et des audits de performance carbone (Carbon Trust, 2025).

Par la suite, les géants du numérique gagneraient financièrement à adopter des infrastructures plus sobres, par exemple, en optimisant la gestion énergétique de leurs centres de données et en utilisant de l’énergie renouvelable. De plus, en optant pour une conception d’algorithmes plus frugaux qui consommeraient moins de ressources et en améliorant leurs politiques d’approvisionnement en équipements électroniques, les entreprises vont réaliser des économies de couts et baisser leur empreinte carbone (Vrikki, 2023).

Les consommateurs

Finalement le dernier acteur majeur sont les consommateurs qui viennent aussi jouer un rôle essentiel. En effet, une meilleure information du public sur les pratiques trompeuses permettrait de créer une pression sociale réelle sur les entreprises. Des campagnes de sensibilisation, soutenues par des ONG ou des institutions éducatives pourraient aider les citoyens à distinguer les affirmations réelles des tactiques de marketing trompeuses (Bureau de la concurrence, 2022).

De plus, les consommateurs ont comme devoir de soutenir davantage les alternatives numériques plus éthiques, comme des plateformes qui publient leurs rapports de durabilité ou qui adoptent des politiques plus transparentes. Ce mouvement pourrait contribuer à un changement graduel de la part des entreprises dans l’industrie numérique (Bureau de la concurrence, 2022).

 

L’ouverture vers d’autres enjeux

L’éco-blanchiment dans l’industrie technologique, particulièrement sur les plateformes comme X, démontre un écart préoccupant entre les discours environnementaux de la compagnie et les pratiques réelles de celle-ci. Cette contradiction vient fragiliser la confiance du public et nuit à la transition écologique (Vangeli et al., 2023).

Cette responsabilité est partagée entre trois acteurs majeurs. Les gouvernements doivent encadrer les pratiques du numérique, les entreprises doivent publier des preuves concrètes de leurs efforts, et les consommateurs doivent mieux s’informer pour consommer de façon éclairée.

Pour conclure, il faut aussi considérer l’impact environnemental du numérique dans son ensemble. Centres de données, IA, infrastructures non optimisées. Il y a énormément de réalités qui sont souvent invisibles, mais qui apportent de lourdes conséquences environnementales si elles ne sont pas encadrées (Kerr, 2025). Le greenwashing dans le numérique montre un manque de transparence dans la gouvernance des grandes compagnies. Pour une transition crédible, il ne suffit plus de parler d’environnement, il faut prouver qu’on agit réellement.

 

Bibliographie :

Bloomberg. (2023, January 7). Elon Musk cuts more Twitter staff overseeing content moderation. https://www.bloomberg.com/news/articles/2023-01-07/elon-musk-cuts-more-twitter-staff-overseeing-content-moderation

Bureau de la concurrence Canada. (2022, janvier). Soyez à l’affût de l’écoblanchiment. Gouvernement du Canada. https://www.canada.ca/fr/bureau-concurrence/nouvelles/2022/01/soyez-a-laffut-de-lecoblanchiment.html

Bureau de la concurrence Canada. (2025). Déclarations environnementales et écoblanchiment. Gouvernement du Canada. https://bureau-concurrence.canada.ca/fr/comment-nous-favorisons-concurrence/education-sensibilisation/declarations-environnementales-ecoblanchiment

Carbon Trust. (2025). Net zero transition planning and delivery. Carbon Trust. https://www.carbontrust.com/what-we-do/net-zero-transition-planning-and-delivery

Carrington, D. (2023, May 15). Greenwashing era is over, say ad agencies, as regulators get tough. The Guardian. https://www.theguardian.com/environment/2023/may/15/greenwashing-era-is-over-say-ad-agencies-as-regulators-get-tough

Chandrakumara, S. (2023). Big Tech and the climate: Accountability needed. Responsible Engagement Coalition (REC). [Document PDF fourni]

Climate Action Against Disinformation. (2023). Climate of misinformation: Ranking Big Tech. https://caad.info

Commission européenne. (2021, 28 janvier). Screening of websites for “greenwashing”: Half of green claims lack evidence. https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/ip_21_269

Data Center Dynamics. (2025). xAI removes some of controversial gas turbines from Memphis data center. https://www.datacenterdynamics.com/en/news/xai-removes-some-of-controversial-gas-turbines-from-memphis-data-center/

Delmas, M. A., & Burbano, V. C. (2011). The drivers of greenwashing. California Management Review, 54(1), 64–87. https://doi.org/10.1525/cmr.2011.54.1.64

Friends of the Earth, Avaaz, & Greenpeace USA. (2022). Climate disinformation scorecard. https://foe.org/wp-content/uploads/2022/04/Climate_Disinfo_Chart_final_041822-1.pdf

Hydro-Québec. (n.d.). Les entreprises en font-elles assez? https://www.hydroquebec.com/residentiel/mieux-consommer/entreprises-montrent-elles-exemple.html

Kerr, D. (2025, 24 avril). Elon Musk’s xAI Memphis data center. The Guardian. https://www.theguardian.com/technology/2025/apr/24/elon-musk-xai-memphis

Robins-Early, N. (2023, September 20). Climate misinformation surges on Elon Musk’s X. The Guardian. https://www.theguardian.com/technology/2023/sep/20/twitter-x-musk-climate-misinformation-social-platforms

Sweney, M. (2023, April 12). Etihad Airways’ “sustainable aviation” ads banned in UK. The Guardian. https://www.theguardian.com/business/2023/apr/12/etihad-airways-sustainable-aviation-ads-banned-uk

Topham, G. (2023, April 12). Etihad Airways’ “sustainable aviation” ads banned in UK. The Guardian. https://www.theguardian.com/business/2023/apr/12/etihad-airways-sustainable-aviation-ads-banned-uk

Vangeli, A., Małecka, A., Mitręga, M., & Pfajfar, G. (2023). From greenwashing to green B2B marketing: A systematic literature review. Industrial Marketing Management, 115, 281–299. https://doi.org/10.1016/j.indmarman.2023.10.002

Vrikki, P. (2023). Measuring up: A comparative analysis of Big Tech’s environmental claims. World Benchmarking Alliance. [Document PDF fourni]

Washington Post. (2022, November 22). Elon Musk has gutted Twitter’s content moderation. https://www.washingtonpost.com/technology/2022/11/22/elon-musk-twitter-content-moderations/

xAI. (n.d.). Colossus project. https://x.ai/colossus

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