Quand dire “bonjour” à l’IA pollue
« Bonjour Chat GPT, j’ai besoin de ton aide ».
Sur les 2,5 milliards de prompts que reçoit l’entreprise OpenAI, une partie des utilisateurs, peut-être vous, rajoute systématiquement des formules de politesse.
Certains disent que cet anthropomorphisme, tendance à « humaniser » une machine, rend l’interaction plus intuitive ; conviviale.
D’autres affirment vouloir être « épargnés », si un jour les IA prenaient le contrôle. Derrière l’humour, un paradoxe : ces interactions, pourtant perçues comme inoffensives, consomment énormément d’énergie.
Pourquoi cela ?
Parce que l’effet cumulé de ces mots mobilise massivement les serveurs d’OpenAI. Cela signifie plus de calculs par requête, plus de chaleur à dissiper, et donc un besoin accru en refroidissement.
En somme, une plus grande consommation en électricité et en eau, si bien que cela engendre des répercussions sur la rentabilité de l’entreprise.
Voici notamment la réponse du PDG d’OpenAI à ce sujet, en avril dernier :

Plus important encore, selon les recherches récentes, le numérique représente plus de 7 % de la consommation mondiale d’électricité. Davantage que des pays entiers comme la France ou le Canada.
Je vous pose donc la question suivante : étiez-vous au courant de cela, et mesurez-vous l’ampleur de ce que cela signifie ?
Cette pollution numérique de l’IA illustre indéniablement notre manque de conscience écologique face à nos usages digitaux.
Le numérique responsable : une vision durable du marketing
“Une démarche d’amélioration continue visant à réduire l’empreinte écologique, sociale et sociétale du numérique.”
Voici comment est défini le numérique responsable dans le podcast éponyme de Masse critique.
Autrement dit, les entreprises comme les utilisateurs doivent mesurer, stabiliser, puis réduire leurs émissions liées à leurs activités en ligne. Tout cela pour un meilleur impact ESG.
Appliqué à l’IA, cela signifie repenser nos interactions pour limiter les requêtes inutiles et adopter une forme de sobriété numérique. En clair, n’utiliser la technologie que lorsqu’elle crée une réelle valeur.
N’allez donc pas raconter votre dernier date à Chat GPT : outre le questionnement éthique et moral de baser ses choix sur un algorithme sans conscience, vous détruisez par la même occasion une biodiversité qui ne vous a rien demandé !

Vous l’aurez bien compris, tout est une question de dosage ici.
L’IA n’est pas foncièrement bonne ou mauvaise : c’est l’usage que nous en faisons, explorateurs du web, qui définit cela (d’où la nécessité d’éduquer l’utilisateur avant l’outil).
Sensibiliser aux impacts de nos choix, c’est apprendre à déplacer le curseur à la bonne place entre efficacité et devoir moral.
Parce que l’IA, c’est indéniablement une prouesse technologique utile.
Certes. Elle est le résultat de notre capacité humaine à s’adapter encore et toujours à n’importe quelle situation, c’est indéniable.
Toutefois, elle peut s’apparenter au choix de la facilité, dans une société de l’instantané mais aussi axée sur le fénéantisme.

Quand le marketing devient un levier de conscience
Le marketing numérique durable joue ici un rôle essentiel. Comme souligné dans le podcast, la performance en entreprise ne doit plus seulement être financière (ex. coût par acquisition).
Elle doit aussi être écologique, puisque désormais on peut mesurer le CO₂ par clic ou par requête.
- Valoriser l’efficacité énergétique de leurs produits.
- Sensibiliser leurs utilisateurs à la consommation d’énergie générée par l’IA.
Voici quelques exemples, parmi tant d’autres, qui prouvent qu’avoir la main verte numérique est plus facile qu’il n’y parait. La transition écologique est trop souvent perçue comme un coût ; à tort.
On peut faire ici une analogie avec l’éducation : il s’agit d’un investissement précieux sur soi (et sa propre entreprise) à long terme, et ayant des retombées directes sur la profitabilité.

Avec un meilleur référencement en ligne dû à un site internet moins énergivore, la conscience écologique d’un collectif éclairé apporte une visibilité accrue. Et grâce à un trafic de qualité, il y a ensuite conversion en ventes.
Toujours aussi peu rentable, le numérique responsable ?
C’est le cas notamment de ce site web, Digital.hec.ca, qui, après sa refonte, a subi une forte augmentation du trafic organique en provenance des moteurs de recherche.
Réduire le “poids” des modèles, concevoir des interfaces sobres, et promouvoir un usage raisonné : ce sont des gestes qui permettent d’allier désirabilité et durabilité.
Plus qu’un combat : un engagement commun et universel
En plus de l’entreprise, le consommateur a, lui aussi, un devoir d’éco-responsabilité.
L’utilisation de moteurs de recherche plus verts comme Ecosia en est un exemple, avec plus de 80% des bénéfices générés réinvestis dans des projets de reforestation.
Au détriment de la personnalisation et de la précision absolue, cela représente tout de même un geste discret d’activisme écologique à chaque requête !

Chaque action du quotidien peut devenir un geste militant.
- Limiter les onglets ouverts ;
- Vider régulièrement sa boîte mail ;
- S’abonner seulement à des newsletters utiles ;
- Télécharger des musiques plutôt que de les streamer en boucle.
Quand on sait que la consommation d’énergie sur le net est majoritairement due à de la vidéo, cela fait réfléchir. Était ce vraiment nécessaire de streamer ce film en haute définition ou 4K l’autre jour ?
Conclusion : vers une éthique du clic
Envoyer un simple message à une IA n’a rien d’anodin.
C’est un acte de consommation énergétique minime, certes, mais qui mis bout-à-bout devient une menace réelle.
Aujourd’hui, le véritable défi du marketing numérique n’est plus seulement de capter l’attention : c’est aussi de la responsabiliser.
En intégrant les principes du numérique responsable et de la sobriété numérique, les entreprises peuvent transformer leurs stratégies marketing en leviers d’éducation et d’innovation durable.
Sans même perdre de vue leurs objectifs de vente.
Parce qu’à l’ère de l’intelligence artificielle, être intelligent, c’est avant tout savoir quand ne pas cliquer.


3 commentaires
Julien Robitaille
Bonjour,
Bien que j’admire l’intention, je doute que ces “simples” solutions soient assez afin d’adresser correctement les enjeux environnementaux et sociaux dont nous faisons fasse. Pour comprendre l’ampleur du problème, je vous propose de lire des auteurs comme Fabien Lebrun, Aurélien Barrau ou Alain Deneault. On y expose bien les faits: notre dépendance au numérique et à la technologie crée des problèmes qui vont beaucoup plus loin que des émissions trop élevées en CO2.
Du côté des entreprises, la solution n’est pas, comme vous le proposez, de valoriser l’efficacité énergétique. Premièrement, ceci omet le principe d’effet rebond, qui explique bien qu’une augmentation de l’efficacité énergétique d’un service ou objet ne fait qu’augmenter l’utilisation de ce service ou objet, annulant ainsi le gain en énergie. Ceci met aussi de côté tous les effets néfastes qui ne sont pas lié à la consommation de l’énergie. À noter qu’il existe dans la littérature 9 limites planétaires, les changements climatiques étant qu’une des 9.
En bref, en creusant un peu, on remarque que les problèmes environnementaux et sociaux dont nous faisons fasse sont causés par notre surconsommation, par notre modèle économique extractiviste qui valorise le gain de capital au lieu du bien être des êtres vivants.
Pour réellement avoir un impact positif sur ces enjeux, il faut revoir notre façon capitaliste d’imaginer le monde. Il faut se focaliser sur le bien être du vivants au lieu de la profitabilité des entreprises.
Selon moi, mettre de l’avant des solutions édulcorées en soulignant qu’elles augmenteront les ventes d’une entreprise va logiquement à l’encontre du souhait visé. Elles favorisent l’écoblanchiement et favorisent des discussions qui nous dévient des vrais enjeux: revoir notre rapport au monde et notre système de valeurs.
Merci tout de même du partage, et au plaisir de pouvoir échanger davantage sur ces enjeux!
fagottimothey
Bonjour Julien,
Tout d’abord, merci du temps que vous avez consacré à l’exposition de votre point de vue sur mon article, cela démontre votre intérêt pour la noble cause qu’est le numérique responsable.
“Revoir notre façon capitaliste d’imaginer le monde”, j’envie votre vision optimiste, presque idéaliste.
Ces “solutions édulcorées” comme vous dites, ce sont de simples gestes, je vous l’accorde, mais accessibles à tous. Les aventuriers du web que nous sommes représentons une énorme partie de la consommation du numérique, ce n’est plus à prouver. Toutes ces connexions, mises bout à bout, peuvent amener à une réelle différence dans notre impact environnemental. Vous avez raison de rappeler que cet aspect là n’est qu’une infime protubérance de l’iceberg qu’est le numérique, mais voyez vous il faut bien commencer quelque part !
Le sujet est si vaste, entre atteinte à la santé mentale, conflits géopolitiques qui dérivent de la pénurie de composants, obsolescence psychologique (due au capitalisme qui nous pousse à la surconsommation) ; je jette ici une bouteille à la mer, un appel à l’action, parce qu’aujourd’hui notre meilleure arme c’est la prévention.
Je comprends votre position concernant le “greenwashing”, toutefois vous devriez savoir que, au lieu de broyer du noir, rien n’est tout noir ou tout blanc (c’est troublant, n’est ce pas ?). L’objectif ici est de montrer que performance et éco-responsabilité ne sont pas indissociable, qu’il ne faut pas sacrifier un pour atteindre l’autre.
Soyons réaliste : une entreprise ne va pas mettre à mal son activité pour avoir un impact positif, elle doit maintenir une certaine pérennité ! Si on démontre qu’une éco-conception du site web améliore le référencement et donc potentiellement les ventes, je me fiche de savoir si l’entreprise l’a fait par conscience écologique ou par avidité envers les billets verts (la couleur prend d’ailleurs tout son sens). Ce qui compte à la fin de la journée, c’est qu’elle pollue et consomme moins, et c’est déjà un premier pas énorme !
Impossible de ne pas citer Patagonia, qui est un véritable exemple de réussite dans ce domaine, puisque la planète est son seul actionnaire et pourtant l’entreprise engendre plus de 80 millions de profits par an ; remarquable !
Encore merci pour votre commentaire, j’ai hâte d’assister à vos côté à une remise en question de notre rapport au monde !