L’illusion des relations : la solitude à l’ère du numérique

Par jaegerjuliette
10 novembre 2025 · 6 vues
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Les médias sociaux et la technologie prennent de plus en plus de place dans notre société et exercent une énorme influence sur nos actions. Bien qu’ils aient à l’origine le rôle d’outils de communication, l’ironie est qu’au cours des années, il a été remarqué qu’il existe une corrélation entre leur utilisation et le sentiment de solitude chez les gens (Continental Hospitals, 2023). 

Tel que le mentionne la chercheuse à l’Institut universitaire sur les dépendances et professeure adjointe au service sur les dépendances de l’Université de Sherbrooke Andrée-Anne Légaré, quelques études expérimentales ont démontré qu’il y a une corrélation entre le fait que certaines personnes réduisent leur exposition aux médias sociaux et le fait que leur sentiment de solitude est plus faible que la moyenne. À l’inverse, il a été démontré que ceux qui augmentent cette exposition éprouvent un sentiment de solitude plus élevé (Institut universitaire sur les dépendances, 2024). 

Dans la même optique, il a été observé que des personnes cessant d’utiliser les médias sociaux commenceront d’abord par ressentir un grand sentiment de solitude, mais qu’avec le temps, ce sentiment s’estompera et s’abaissera à un niveau plus bas que celui vécu avant l’utilisation de ces technologies (Institut universitaire sur les dépendances, 2024).

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La comparaison sociale

Les nombreuses études portant sur le lien entre la solitude et l’utilisation des technologies et des réseaux sociaux avancent le fait que l’utilisation des réseaux sociaux ainsi que des technologies pourrait créer un sentiment de solitude notamment dû à la comparaison constante aux autres qu’elle suscite. 

Ce phénomène découle du fait que le contenu auquel nous sommes exposés, par l’intermédiaire technologies et les réseaux sociaux, nous amène à nous comparer et à minimiser notre qualité de vie par rapport à celle des gens que nous suivons ou qui apparaissent dans le contenu qui nous est proposé. Ceci dit, chaque personne choisit ce qu’elle veut exposer en ligne et ce qu’elle préfère garder pour elle. Par le fait même, lorsque nous nous comparons aux autres sur les médias sociaux, nous nous comparons au meilleur de leur vie et à une version idéalisée, souvent éloignée de la réalité — une infime partie de leur quotidien (Institut universitaire sur les dépendances, 2024). 

Sur les réseaux sociaux, rares sont ceux qui osent se montrer vulnérables. La majorité préfère partager des moments positifs, car tout ce qui est publié devient visible à un large public. De plus, en ligne, les gens se permettent un jugement très rapide et fort sous couvert d’anonymat, ce qui fait en sorte qu’exposer ses difficultés peut sembler trop intime, même si tout le monde traverse des périodes plus difficiles. 

Nous avons donc tendance à nous comparer, souvent insonsciemment, aux moments phares de la vie des autres. Par exemple, si une personne va au restaurant avec ses amis, qu’elle fait un super voyage, ou encore qu’elle fait une activité hors du commun, elle le montre sur les réseaux sociaux. Alors quelqu’un d’autre, n’ayant pas vu ses amis depuis un moment, pourrait se sentir seul en voyant cela et sentir sa valeur diminuée. Lorsqu’on se sent isolé et que l’on voit défiler des images de personnes heureuses et souriantes, ce décalage renforce le mal-être.

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« Ce phénomène peut s’expliquer par la comparaison sociale comme je l’expliquais plus tôt, c’est-à-dire le fait que des utilisateurs se comparent à des images idéalisées d’autres personnes s’amusant ou étant bien entourées. » — Andrée-Anne Légaré, chercheuse à l’Institut universitaire sur les dépendances et professeure adjointe au service sur les dépendances de l’Université de Sherbrooke

On peut même voir, dans certaines situations, que les technologies et les réseaux sociaux contribuent à créer un sentiment de solitude. En voyant défiler des images de personnes semblant mener une vie équilibrée et épanouie, certains en viennent à douter de la leur, alors que ce n’était pas forcément le cas avant d’ouvrir leur appareil technologique. Ce sentiment s’accentue lorsqu’on se compare à ceux qui semblent toujours avoir plus — plus d’amis, plus d’activités, plus de réussites.

Un bon exemple de ce phénomène est le sentiment d’exclusion que les technologies peuvent provoquer. Imaginez-vous un vendredi soir, partageant un repas en famille. À un moment, vous consultez votre téléphone et ouvrez Instagram, pour découvrir que tous vos amis sont sortis ensemble sans vous. En un instant, vous passez d’un bon moment bien entouré à un sentiment d’exclusion ou de solitude. Ce type de situation, pourtant banale, illustre à quel point les réseaux sociaux peuvent amplifier la sensation d’isolement, même lorsqu’on n’était pas particulièrement seul au départ, ou qu’on est entouré physiquement (The conversation, 2018).

Le rôle des analytiques dans l’explication de ce lien

Plusieurs études, combinées aux données sur l’utilisation des technologies et des réseaux sociaux, ont montré que le lien entre le sentiment de solitude et ces outils dépend largement de la manière dont chaque personne les utilise.

En effet, les résultats issus des bases de données des réseaux sociaux indiquent qu’une personne utilisant ces plateformes dans le but de communiquer avec ses amis, sa famille, ou encore des personnes proches vivant à l’étranger ne ressent pas de sentiment de solitude, du moins pas attribuable aux réseaux sociaux en particulier. Au contraire, dans ce cas, les réseaux sociaux leur permettent de réduire la solitude en encourageant un sentiment de proximité et d’appartenance envers les proches.

D’un autre côté, une personne peut éviter les relations sociales en se cachant derrière son écran et en passant tout son temps sur les réseaux sociaux et les technologies numériques. Lorsque ces technologies mènent à un évitement ou à un éloignement des relations humaines en face à face, plutôt qu’à un complément de celles-ci, le lien entre le sentiment de solitude et les technologies numériques se crée, puisqu’il n’y a plus de véritables interactions sociales qui en ressortent (Nowland, 2018). 

Le MIT a observé que « les gens préfèrent aujourd’hui communiquer par le biais des nouvelles technologies plutôt qu’en face à face. Or, les discussions en ligne ne sont pas aussi intimes et même si nous avons l’impression d’être en contact avec les autres en permanence, cela génère en fait un sentiment de solitude. » (The Conversation, 2018).

Les données analytiques recueillies à partir des différentes technologies numériques, dont les réseaux sociaux, permettent ainsi de voir une corrélation entre les différents types d’utilisateurs, la quantité et la qualité de leurs interactions, de même que la manière dont ils utilisent les réseaux sociaux et les technologies comme moyen d’étendre leurs relations sociales (Continental Hospitals, 2023). 

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Quelques exemples

Prenons pour exemple une personne ayant Instagram et l’utilisant uniquement pour donner des nouvelles à ses proches et les tenir informés, d’une façon simple et rassembleuse. Cette personne risque de faire apparaître des données analytiques indiquant plusieurs interactions, mais de nature très qualitatives. 

D’un autre point de vue, une personne publiant constamment sur un compte public, comptant des milliers d’abonnés, dont plusieurs lui sont inconnus, fera ressortir des données analytiques quantitativement similaires à l’exemple précédent, mais avec un rapport qualitatif beaucoup plus faible.

La même observation s’applique à une personne qui est très présent sur les réseaux sociaux et commentant fréquemment les publications de ses « amis »,sans réellement les voir dans la vie quotidienne. Dans les deux derniers cas de figure, les données analytiques indiquent une forte présence sur les technologies numériques, mais une faible présence dans la vie réelle, ce qui conduit bien souvent à un sentiment de solitude, les relations vécues en ligne étant plus souvent superficielles, moins profondes et moins intimes. 

Capsule explicative sur le sujet

Afin de mieux comprendre le lien entre ces deux phénomènes, et d’en donner quelques exemples, voici un court extrait audio présentant une prise de position sur la relation entre le sentiment de solitude et les technologies ainsi que les médias sociaux.

Sources et références

Côté, M. (2019, 9 mars). La Presse. Technologies et téléphones pourraient aggraver le sentiment de solitude. Trouvé sur : https://www.lapresse.ca/techno/actualites/201903/09/01-5217667-technologies-et-telephones-pourraient-aggraver-le-sentiment-de-solitude.php

Équipe éditoriale. (2023, 8 septembre). Continental Hospitals. L’isolement social à l’ère numérique : paradoxe ou réalité ? Trouvé sur : https://continentalhospitals.com/fr/blog/social-isolation-in-the-digital-age-paradox-or-reality

Fortin, G. (2024, 12 décembre). Institut universitaires sur les dépendances. La relation entre l’utilisation des écrans et le sentiment de solitude. Trouvé sur : https://iud.quebec/fr/actualite/la-relation-entre-lutilisation-des-ecrans-et-le-sentiment-de-solitude#:~:text=Quelques%20%C3%A9tudes%20exp%C3%A9rimentales%20ont%20montr%C3%A9,sentiment%20de%20solitude%20plus%20fort.

Nowland, R. (2018, 9 octobre). The Conversation. Les réseaux sociaux sont-ils vraiment responsables de la solitude des jeunes ? Trouvé sur : https://theconversation.com/les-reseaux-sociaux-sont-ils-vraiment-responsables-de-la-solitude-des-jeunes-104579

Roy, L. (2018, 1er décembre). Revue Spiritualité Santé. Facebook et sentiment de solitude. Centre hospitalier universitaire de Québec. Trouvé sur : https://www.chudequebec.ca/a-propos-de-nous/publications/revues-en-ligne/spiritualite-sante/dossiers/isolement-et-solitude/facebook-et-sentiment-de-solitude.aspx

S.H. (2025, 22 mars). Observatoire Psycho-Social du Numérique. Solitude et trouble de l’usage d’internet. Trouvé sur : https://observatoirenumerique.fr/solitude-et-troubles-de-lusage-dinternet/

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