Avec le développement croissant de l’intelligence artificielle grâce aux nombreux logiciels, dont ChatGPT, Gemini et Copilot, plusieurs consommateurs ont vu leur manière d’utiliser Internet évoluer de manière importante. Dans le domaine du marketing numérique, cette évolution technologique a entraîné des changements notoires en ce qui a trait à l’utilisation et la création d’algorithmes. Ces algorithmes prennent désormais la forme d’avatars à apparence humaine, notamment utilisés à des fins publicitaires.
Qu’est-ce que l’hypertrucage?
L’hypertrucage, aussi appelé deepfake est une technologie qui permet de créer des vidéos, des images ou des audios modifiés qui sont très réalistes. Ces créations, grâce à l’intelligence artificielle, sont quasi indétectables à l’œil nu, rendant la distinction entre le contenu original et le contenu modifié ardu.
Ce nouvel outil intelligent grâce auquel il est possible de créer toutes sortes d’images à l’aide de quelques clics, et ce, sans avoir besoin d’une quelconque expertise dans le domaine de la technologie informatique.
L’hypertrucage, souvent non identifié comme tel, se propage de plus en plus dans le fil d’actualité médiatique, créant ainsi de la désinformation. En effet, selon une étude par Dais, plus de 60% des participants ont vu de l’hypertrucage sur Internet et le quart d’entre eux y sont confrontés chaque semaine. Il est donc clair que l’hypertrucage est un nouvel enjeu sociétal qui touche indubitablement la population.
L’utilisation de l’hypertrucage dans le marketing

Prenons par exemple le scandale de Lil Miquela, une «influenceuse» qui se promouvait sur les réseaux sociaux comme une chanteuse et mannequin, mais qui était en réalité un personnage fictif créé entièrement par l’intelligence artificielle. Elle publiait du contenu similaire aux vrais influenceurs, comme des collaborations avec des marques et diverses célébrités en partageant son mode de vie. La bannière de Lil Miquela a fait 10 millions de dollars en 2020. Aujourd’hui, Lil Miquela a toujours son compte Instagram, où elle est moins active et influente qu’auparavant. Cette chute en popularité peut être expliquée par la découverte de son hypertrucage.

Sous une optique marketing, la création d’un faux avatar ayant fait le buzz du haut de ses 3 millions d’abonnés sur Instagram a ouvert les portes à un nouveau monde d’influence numérique. Effectivement, de nombreuses compagnies ont depuis créé leurs propres «influenceurs» virtuels, mais pour leur part, de manière plus ouverte et transparente. C’est notamment le cas de Candy, un avatar virtuel à l’effigie du dernier parfum de Prada. La compagnie de mode de luxe a pris la branche de l’intelligence artificielle comme l’effigie de son produit, car le coût dépensé en influenceur marketing dépasse les millions de dollars, leur économisant ainsi de l’argent en créant leur propre muse. Aussi, ils savaient qu’utiliser des influenceurs virtuels était une bonne stratégie marketing ayant fait une collaboration avec Lil Miquela dans le passé.
Candy permet aux marketeurs de créer un persona plus représentatif de leurs produits et qui se différencie des autres publicités de parfum souvent faites en collaboration avec des célébrités. Aussi, un avatar diminue de manière significative les risques de scandales auquel une vraie personnalité publique pourrait se retrouver puisque le persona est totalement sous le contrôle de la marque. Il permet aussi de mieux représenter les valeurs et causes de l’entreprise.
Dans le même ordre d’idée, plusieurs entreprises vont utiliser des avatars au niveau du marketing pour mieux rejoindre son public. L’avantage d’utiliser un avatar est qu’il peut être personnalisé selon l’utilisateur en fonction de ses données démographiques et de sa langue, entre autres. Lorsqu’ils sont utilisés à bon escient et dans la transparence, ses outils marketing peuvent créer une nouvelle manière engageante d’atteindre le public.
Où est le danger?
1. Enjeux éthiques
Tout d’abord, des violations au niveau de l’identité et de la vie privée des personnes sont plus touchées que jamais au niveau pornographique. Il n’est pas nouveau pour les célébrités de se faire voler leurs visages pour les mettre sur un autre corps dans des positions indécentes. Toutefois, depuis les dernières années, le niveau de réalisme grâce à l’hypertrucage atteint de nouveaux sommets. Il est dorénavant question de trucage dans la manipulation de voix, des vidéos et des images produites par l’intelligence artificielle, ce qui rend la détection du vrai et du faux difficile.
Ainsi, un nouvel enjeu lié à la désinformation et à la manipulation se crée, car il est maintenant facile d’utiliser cette technologie jouer sur la perception des utilisateurs. Il ne suffit que de quelques secondes pour créer un hypertrucage réaliste et de le rendre instantanément disponible à l’échelle mondiale, rendant ainsi l’information incontrôlable.
Aussi, l’hypertrucage comporte des enjeux éthiques importants au niveau du consentement et des impacts psychologiques. Un des exemples les plus connus de cette polémique est celui de Taylor Swift, en début de 2024, lorsque son image a été utilisée à des fins pornographiques. Elle n’est pas la seule qui s’est retrouvée victime de l’utilisation de cette nouvelle technologie à des fins malsaines. En effet, Emma Watson et Scarlett Johansson ont elles aussi été victimes de deepfake pornographique, deux femmes qui ont été souvent hypersexualisées par le public. Les victimes dans ces industries sont généralement des femmes et comportent plus de 90% des hypertrucages en ligne selon le Gouvernement du Canada.
Les célébrités sont plus à risque et exposées à l’hypertrucage, mais toutes les femmes ne sont pas à l’abri, comme Rana Ayyub, une journaliste pour le Washington Post, qui a également été impactée par ce phénomène. Ces exemples démontrent que cet outil a été utilisé à maintes reprises à des fins de campagnes marketing haineuses, brimant la vie privée de ses victimes.
2. Enjeux politiques et économiques
La désinformation causée par l’hypertrucage au niveau politique et économique est aussi importante. En effet, l’hypertrucage a été utilisé pour toucher des personnalités publiques avec une forte influence politique, dont l’image de Trump dans un habit de prisonnier. Cette image qui circule a laissé beaucoup d’Américains dans l’idée que Trump s’était retrouvé dans une prison, circulant alors de fausses rumeurs. Ceci peut avoir une influence négative et atteindre sa réputation à travers sa candidature pour la course à la présidence américaine.
Cette technologie a donc un pouvoir d’influence politique énorme sur les médias et peut être utilisée pour influencer la population vers un candidat plus qu’un autre à l’aide d’une campagne marketing mensongère. Même si les journalistes mettent au clair la vérité par la suite, certains seront méfiants et garderont leurs opinions d’origine avec la photo truquée comme «preuve». Il est difficile d’évaluer l’impact exact, mais cet outil a déjà commencé à être utilisé entre autres avec les élections nationales slovaques pour influencer la campagne électorale de cet automne.
Au niveau économique, il y a eu un hypertrucage d’Elon Musk distribuant de la cryptomonnaie causant d’importantes pertes financières. L’hypertrucage démontre encore une fois les répercussions d’envergures qu’une campagne mensongère peut avoir.
Ce que nous pouvons faire
1. Réglementation
L’intelligence artificielle est une nouvelle technologie qui innove d’une manière fulgurante pouvant rendre difficile cet outil à encadrer de juridictions. Cependant, il y a des projets de loi en cours, comme le projet de loi C-2714 , par l’intermédiaire de l’article 39, rendant coupable d’un délit, toute personne mettant à disposition un système d’IA pouvant causer des préjudices physiques ou psychologiques sérieux à une personne ou un dommage considérable à ses biens, ou ayant l’intention de frauder le public et causer une perte financière significative. Voici certaines réglementations du gouvernement à ce jour pris pour aider les victimes d’hypertrucages au Canada :
- Le Code criminel du Canada : Il peut aider contre la diffamation, le harcèlement criminel, l’usurpation d’identité, fabrication du faux et menace.
- Le Code civil, articles 3 et 35 qui concerne le respect de la vie privée et l’intégrité de la personne.
- Le Code civil aliéna 5 de l’article 36 dans l’utilisation du nom, de la voix et son image considérée atteinte à sa vie privée.
- La loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques qui protège les données privées dans un contexte commercial.
2. Marketing numérique responsable

La question du consentement demeure le meilleur outil pour un marketing responsable et éthique. En d’autres mots, utiliser l’image de célébrités ayant donné leur consentement pour faire un partenariat, comme la fait Fortnite, avec l’aide d’un avatar numérique à l’effigie de Travis Scott, est une démarche marketing judicieuse. Le jeu vidéo avait mis en place un concert virtuel immersif : un moyen créatif et éthique d’utiliser l’hypertrucage.
Aussi, la question de transparence demeure des plus importante dans l’utilisation de l’hypertrucage pour ne pas tromper les consommateurs et créer de fausses impressions. Dans une nouvelle ère où la désinformation est vue quotidiennement, il est d’autant plus nécessaire de promouvoir l’honnêteté au sein des marques et des entreprises. Être honnête agrandit la confiance du public face à sa marque et pourrait, de ce fait, améliorer leur engagement.
Conclusion
En conclusion, l’hypertrucage représente une opportunité créative et innovante dans un contexte de marketing numérique, mais celle-ci comporte de nombreux enjeux éthiques, politiques et économiques.
Beaucoup de craintes se font de la part du public d’être remplacées, trompées ou influencées par de fausses informations, ce qui est légitime vu le réalisme de l’hypertrucage. De plus en plus, des outils se conçoivent pour pouvoir mieux identifier le deepfake, comme des machines qui peuvent discerner des anomalies faciales et le clignement des yeux. Ce développement rendra plus facile l’aide aux victimes de l’hypertrucage.
Bibliographie
La Presse canadienne. (2024, 21 août). «Les hypertrucages sont omniprésents dans les fils de la population canadienne». Radio-Canada. Récupéré de https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2098514/hypertrucages-canada-ia-etude
Ballayer, M. (2023, 4 octobre). «C’est l’histoire d’une star déchue : Lil Miquela, l’influenceuse virtuelle qui a perdu son âme». Le Journal du Luxe. Récupéré de https://www.journalduluxe.fr/fr/business/star-dechue-lil-miquela-influenceuse-virtuelle-muriel-ballayer
Pesonen, L. (2022, 23 mai). «How Prada Candy and its digital muse is changing the fashion and beauty landscape». Vogue Scandinavia. Récupéré de https://www.voguescandinavia.com/articles/how-prada-candy-and-its-digital-muse-is-changing-the-fashion-and-beauty-landscape
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