Près de 88 % des consommateurs disent que l’authenticité influence leurs achats (G2, 2025). Pourtant, la confiance envers les entreprises n’a jamais été aussi faible (Edelman, 2020). Dans ce climat de doute, l’authenticité ne se résume plus à un simple argument marketing elle est devenue une nécessité pour maintenir un lien solide entre la marque et sa communauté.
Être authentique ne consiste pas à mettre en avant de belles valeurs ou des slogans bien formulés. Cela suppose de les incarner, au quotidien, à travers les produits, les décisions et la communication. À l’ère des réseaux sociaux, chaque mot, chaque image ou partenariat est observé, partagé, commenté, parfois même détourné. La moindre incohérence, aussi minime soit-elle, peut fragiliser la crédibilité d’une marque. L’enjeu n’est donc plus de se demander s’il faut être authentique, mais de savoir jusqu’où aller sans tomber dans la mise en scène ou la surenchère.
Le rôle des plateformes dans la perception d’authenticité
Les algorithmes de TikTok, d’Instagram ou de YouTube valorisent les contenus perçus comme “vrais” : ceux qui paraissent spontanés, incarnés et émotionnels. Cette logique pousse les marques à adopter un ton plus humain, à montrer les coulisses et à afficher une forme de transparence. Mais cette quête du naturel conduit parfois à une “authenticité performative”, où la sincérité devient presque une stratégie de communication. Le “vrai” finit par se transformer en performance bien préparée, calibrée pour plaire à l’audience et aux algorithmes.
Dans cet environnement, les micro-influenceurs occupent une place centrale. Leur proximité avec leur communauté, souvent construite sur un ton direct et personnel, leur permet d’incarner une authenticité relationnelle plus crédible que celle des grandes campagnes publicitaires. Cette confiance renforce l’impact de leurs collaborations avec les marques, mais elle impose aussi une exigence de cohérence : une marque dont les valeurs ne s’alignent pas avec celles de l’influenceur perd rapidement en crédibilité. L’authenticité ne se mesure donc plus uniquement dans les messages marketing, mais dans les relations continues qu’une marque entretient avec son écosystème numérique.
Les nouvelles générations, moteur d’une authenticité éthique
La génération Z redéfinit profondément les attentes envers les marques. Plus connectée, plus critique et plus exigeante, elle valorise la cohérence et la responsabilité. Selon le rapport Voice of the Consumer Survey (PwC, 2024), 80 % des consommateurs sont prêts à payer davantage pour des produits durables, et 70 % consultent les avis avant d’acheter. De plus, 46 % ont déjà effectué un achat directement sur les réseaux sociaux. Ces comportements traduisent une évolution majeure : la durabilité, la transparence et la preuve d’engagement sont désormais des critères déterminants dans les décisions d’achat, surtout parmi les jeunes générations.
Patagonia illustre parfaitement cette évolution. Son fondateur, Yvon Chouinard, a cédé l’entreprise à une fiducie environnementale afin que l’ensemble des profits serve à la lutte contre le changement climatique (Urbania, 2022). Ce choix incarne une forme d’authenticité structurelle : les valeurs de la marque ne se limitent pas à la communication, elles sont intégrées à son modèle de gouvernance. Cette cohérence entre discours et actions renforce la confiance des consommateurs et témoigne d’une vision à long terme, où l’impact social et écologique prime sur le gain immédiat.
Authenticité et différences sectorielles
L’authenticité ne se manifeste pas de la même façon selon les secteurs, car les attentes ne sont pas les mêmes. Dans l’aérien, la condamnation de KLM en 2024 pour sa campagne “Fly Responsibly”, jugée trompeuse, montre la difficulté de se dire durable dans une industrie fortement émettrice. Ici, la crédibilité passe par des preuves concrètes et mesurables.
Dans la mode, les marques sont davantage jugées sur la traçabilité et la durabilité de leurs produits. Les critiques envers H&M et Shein prouvent que les discours “verts” ne suffisent plus, les consommateurs attendent des transformations réelles dans la production et la transparence des chaînes d’approvisionnement.
Ces différences montrent que l’authenticité doit être adaptée au contexte de chaque secteur. Ce qui est perçu comme sincère dans un domaine peut paraître opportuniste dans un autre, selon la cohérence entre le message et les actions.
Gouvernance et cohérence à long terme
Pour rester crédible, une marque doit ancrer l’authenticité dans sa gouvernance, pas seulement dans sa communication. Cela suppose d’aligner les décisions internes, production, approvisionnement, politique RH avec les valeurs défendues publiquement. Les démarches qui s’appuient sur des preuves : indicateurs d’impact, audits externes, certifications, renforcent la confiance car elles reposent sur des faits et non sur le storytelling.
Les communautés numériques participent aussi à cette régulation. Elles vérifient, commentent, dénoncent ou valorisent les pratiques des marques. Cette co-construction peut devenir un atout, des entreprises comme Glossier ont bâti leur succès sur l’écoute active et la participation de leur communauté, transformant les clientes en ambassadrices.
Vers une authenticité durable et responsable
Trois leviers se dégagent pour une authenticité crédible :
- Faire de la cohérence un principe de gouvernance, intégré dans la stratégie globale.
- Mesurer et prouver ses engagements grâce à des indicateurs transparents et accessibles.
- Favoriser le dialogue plutôt que la performance de sincérité.