L’intelligence artificielle dans le cinéma : révolution numérique ou menace créative ?

Introduction

Depuis quelques années, l’intégration de l’intelligence artificielle dans de nombreux secteurs atteint son apogée. Elle transforme et façonne notre manière de travailler, de communiquer et de créer. D’après une enquête menée par l’Académie de la transformation numérique de l’Université Laval, l’IA est devenue un outil numérique incontournable, dont la majorité des individus ne peut plus se passer, notamment depuis l’arrivée de ChatGPT (Université Laval, 2025).  

Présente dans nos usages quotidiens, aussi bien personnels que professionnels, l’intelligence artificielle s’impose désormais dans presque tous les domaines de la création. Le cinéma n’y échappe pas : selon une étude publiée par le Centre national du cinéma et de l’Image animée, plus de 70% des professionnels du secteur estiment que l’IA va bouleverser les méthodes de création et de production de films (CNC, 2024).

Cette intégration massive soulève une question cruciale : l’intelligence artificielle marque-t-elle une révolution numérique pour le cinéma ou menace-t-elle, au contraire, son essence créative ?

Une révolution pour la création numérique dans le cinéma

L’intelligence artificielle générative intervient de différentes façons dans le processus de création d’une œuvre cinématographique. Elle stimule la créativité en générant de nouvelles idées et permet d’économiser du temps et de gagner en efficacité en automatisant certaines tâches. L’IA permet d’ouvrir de nouvelles perspectives créatives en participant à la révolution numérique du secteur (CNC, 2024).

Parmi ses usages les plus répandus figure la scénarisation assistée : grâce à des outils d’assistance artificiels comme ChatGPT, les scénaristes peuvent ajuster plus rapidement les dialogues ou explorer plusieurs versions d’une intrigue. L’IA devient ainsi un outil d’exploration qui stimule l’imagination.

En postproduction, les impacts de l’intelligence artificielle sont assez concrets : réduire les délais, rationaliser les coûts et optimiser les ressources (CNC, 2024). D’après le projet d’une équipe de chercheurs de l’Université Laval, l’IA va transformer, d’ici 2050, le processus de création d’images au cinéma en permettant de générer différents rendus visuels avant même la finalisation d’un montage et à partir de descriptions textuelles (Radio-Canada, 2025). Cette nouvelle révolution numérique redéfinit la temporalité de la production cinématographique, en faisant de la machine un acteur actif de la création.

Une menace pour la créativité artistique

Cependant, cette révolution nourrit aussi une menace grandissante : la mise en péril des métiers créatifs dans le secteur. Avec certaines de leurs tâches automatisées, plusieurs professions du cinéma – monteurs, infographistes, ingénieurs du son, doublures vocales – redoutent une dévalorisation de leur travail (CNC, 2024). Le doublage, la scénarisation et l’image sont déjà affectés par l’usage de voix synthétiques, de scénarios générés automatiquement ou d’images détournées. Par exemple, lors de la grève des scénaristes à Hollywood en 2023, certains studios de production avaient envisagé de pallier leur absence avec l’intelligence artificielle (Radio-Canada, 2024). Or, les outils IA ne sont pas toujours en mesure de répondre aux exigences élevées de certaines productions, au niveau de la qualité visuelle et sonore, ou encore, au niveau de la créativité et de l’imagination (CNC, 2024).

Enfin, les enjeux juridiques et éthiques demeurent au cœur du débat : les droits d’auteur, la transparence des données, la propriété des images et le niveau de confidentialité deviennent des sujets incontournables (CNC, 2024).

En cherchant à reproduire la créativité humaine, l’intelligence artificielle confronte le secteur du cinéma à une question essentielle : jusqu’à quel point peut-on automatiser la créativité artistique ?

Vers une cohabitation créative intelligente

Une voie de cohabitation entre humain et machine semble toutefois possible. Au lieu de percevoir l’IA comme un substitut ou un concurrent, la bonne approche serait de le considérer comme un outil complémentaire ou un partenaire de création.

Cette union reposerait sur trois piliers :

1. Complémentarité : combiner l’automatisation et la capacité de traitement des données de l’IA avec la sensibilité et la créativité de l’humain.  
2. Encadrement éthique : mettre en place des chartes pour protéger l’intégrité des œuvres cinématographiques et garantir la transparence des processus de création.  
3. Formation : permettre aux professionnels de mieux maîtriser l’usage de ces outils tout en connaissant ses limites.

Ainsi, en favorisant cette cohabitation, cette révolution numérique deviendrait un véritable progrès pour l’industrie du cinéma, à condition qu’elle reste au service de la vision artistique et qu’elle ne devienne pas une menace créative.

Références

Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). (2024). Cartographie des usages de l’intelligence artificielle dans les filières cinéma, audiovisuel et jeu vidéo. https://www.cnc.fr/documents/36995/2097582/Cartographie+des+usages+IA_rapport+complet.pdf

Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). (2024). L’impact de l’intelligence artificielle sur le cinéma moderne. https://lecineclub.fr/dossiers-thematiques/limpact-de-lintelligence-artificielle-sur-le-cinema-moderne/

Radio-Canada. (2024, 27 mai). Cinéma et intelligence artificielle : le scénario d’un futur incertain. https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/moteur-de-recherche/segments/chronique/444557/intelligence-artificielle-ia-chatgpt-cinema

Radio-Canada. (2025, 1 mai). Québec 2050 : l’intelligence artificielle dans le cinéma de demain. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2188623/intelligence-artificielle-cinema-futur-recherche-quebec

Université Laval. (2025, 5 février). Une majorité d’internautes a de la difficulté à reconnaître l’intervention de l’intelligence artificielle dans la vie quotidienne. https://nouvelles.ulaval.ca/2025/02/05/une-majorite-d-internautes-a-de-la-difficulte-a-reconnaitre-l-intervention-de-lintelligence-artificielle-dans-la-vie-quotidienne-bc62e73b-a094-4e50-98d5-0ab4b4ad49c3