En 2024, Google conservera une position dominante sur le marché de la recherche en ligne, avec 92 % des parts du marché mondial des moteurs de recherche. Avec un chiffre d’affaires d’environ 307 milliards de dollars, dont près de 80 % proviennent de la publicité, Google reste l’une des principales entreprises technologiques au monde.

Mais comment Google est-il devenu un acteur aussi important dans le secteur de la publicité ?
Google a transformé la publicité en ligne avec le lancement d’AdWords en 2000, permettant aux annonceurs d’acheter des mots-clés pertinents qui apparaissent à côté des résultats de recherche. Aujourd’hui, des millions d’annonceurs utilisent la plateforme de Google dans le monde entier, attirés par son efficacité ; notamment, 1 personne sur 16 qui voit une annonce Google Search clique dessus, une mesure connue sous le nom de taux de clics (CTR).
Google cible efficacement le bon public grâce au ciblage des mots-clés, à l’exploitation des données relatives au comportement de recherche et à l’analyse de l’historique et des préférences des utilisateurs. Cela implique la collecte d’un grand nombre de données, notamment
1. Informations personnelles : Lors de la création d’un compte Google, les utilisateurs fournissent des informations personnelles telles que leur nom, leur adresse électronique et leur numéro de téléphone.
2. Données d’utilisation : Google suit les interactions des utilisateurs avec ses services, y compris les requêtes de recherche, les vidéos YouTube visionnées et les annonces cliquées.
3. Informations sur l’appareil : Données relatives au type d’appareil, au système d’exploitation et au navigateur utilisés.
4. Données de localisation : Si les services de localisation sont activés, Google recueille des informations de localisation précises.
5. Données de communication : Pour les utilisateurs de services Google tels que Gmail ou Google Meet, les données concernant les contacts, les appels, les messages et les données personnelles sont collectées.
Les principes de la collecte de données s’appliquent également l’analytique Web. Bien que le concept existe depuis le début des années 1990, l’essor de Google Analytics en 2005 a rendu l’analytique Web accessible à un public plus large. En collectant et en analysant les données relatives à l’utilisation des sites web – telles que les pages visitées, la durée de séjour des utilisateurs et leurs sources de trafic – les entreprises peuvent améliorer l’expérience des utilisateurs et affiner leurs stratégies de marketing.
Shoshana Zuboff, activiste, écrivain et professeur à Harvard, est l’une des principales critiques du modèle économique de Google. Selon elle, nous sommes entrés dans un nouveau système économique qui exploite les données personnelles pour prédire et influencer le comportement humain à des fins lucratives. Elle a inventé le terme « capitalisme de surveillance », qu’elle définit comme une logique d’accumulation visant à prédire et à modifier les comportements par l’extraction et l’analyse de données. Dans son article intitulé « Big Other : Surveillance Capitalism and the Prospects of an Information Civilization », Mme Zuboff explique comment les données sont extraites de diverses sources, notamment des interactions en ligne et des technologies de détection. Ces données sont analysées pour créer des profils détaillés à des fins de publicité ciblée et de modification du comportement. L’aspect essentiel de son argumentation est qu’il ne s’agit pas seulement de publicité, mais aussi d’aliéner les individus par rapport à leurs propres actions et de les pousser à modifier leur comportement au détriment de sa vie privée pour le profit de quelques entreprises technologiques.
Si bien que l’analytique Web et le capitalisme de surveillance impliquent tous deux la collecte de données et l’analyse du comportement de l’utilisateur, il existe des différences essentielles :
1. L’intention et l’objectif : L’analytique Web vise à améliorer l’expérience de l’utilisateur et les performances du site web, tandis que le capitalisme de surveillance vise à monétiser les données personnelles à des fins lucratives, en compromettant souvent la vie privée de l’utilisateur.
2. Consentement de l’utilisateur : L’analytique Web fonctionne généralement dans un cadre qui met l’accent sur le consentement de l’utilisateur et la transparence, tandis que le capitalisme de surveillance implique souvent l’extraction de données sans consentement valable, créant un déséquilibre de pouvoir entre les entreprises et les individus.
D’un point de vue éthique, le capitalisme de surveillance pose d’importants problèmes de protection de la vie privée et remet en question la nature du consentement : Le consentement est-il éclairé et explicite ? Les politiques sont-elles transparentes et claires ? Les individus peuvent ils prendre des décisions en connaissance de cause, ou leur présente-t-on des politiques longues et complexes qui les obligent à en accepter les termes ? Qu’en est-il des pratiques en matière de données et des algorithmes utilisés – sont-ils transparents pour les utilisateurs ?
De nouvelles lois, comme la loi 25 au Québec, visent à limiter le pouvoir des grandes entreprises technologiques en protégeant les informations personnelles. Les principales caractéristiques de ces lois sont les suivantes
1. Consentement renforcé : Les organisations doivent obtenir le consentement explicite et éclairé des individus pour collecter et utiliser des données personnelles.
2. Notification des violations de données : Les entreprises doivent informer la Commission d’accès à l’information du Québec (CIA) et les personnes concernées des violations graves de données.
3. Obligation de désigner un responsable de la protection de la vie privée : Les organisations doivent nommer un responsable de la protection de la vie privée chargé de veiller au respect de la législation.
4. Élargissement des droits individuels : Les individus obtiennent le droit d’accéder à leurs informations personnelles, de les rectifier et de les effacer.
Je pense qu’il s’agit d’un premier pas positif vers l’équilibre de la dynamique de pouvoir entre les individus et les grandes entreprises technologiques. Toutefois, ce n’est que le début de la création d’une structure plus équitable sur ce marché. En tant qu’individus, nous devons reconnaître notre rôle ; nos choix et nos comportements sont importants et nous avons le pouvoir d’influencer les décisions du gouvernement et de notre société.
Selon vous, quelle devrait être la prochaine étape pour parvenir à cet équilibre ?
Bibliographie :
Zuboff, S. (2015). Big other: Surveillance capitalism and the prospects of an information civilization. Journal of Information Technology.
Zuboff, S. (2022). Surveillance capitalism or democracy? The death match of institutional orders and the politics of knowledge in our information civilization. Harvard Business School.
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Principaux changements aux lois sur la protection des renseignements personnels. Novembre 2024, Récupéré de https://www.cai.gouv.qc.ca/protection-renseignements-personnels/sujets-et-domaines-dinteret/principaux-changements-loi-25