La prise de conscience de notre impact sur la planète et ses habitants est désormais omniprésente, y compris dans le domaine du marketing. Face à l’urgence de la crise climatique, les entreprises doivent repenser leurs pratiques. Réduire leur empreinte n’est plus seulement une contrainte, c’est aussi une opportunité pour les entreprises de générer de la valeur.
Qu’est-ce que le marketing numérique socialement responsable?
Bien qu’il n’y ait pas de consensus sur la définition du concept, le marketing socialement responsable suscite un intérêt croissant du côté de la recherche académique. Pour Laczniak et Shultz (2021), le marketing responsable repose sur des principes fondamentaux, des valeurs sincères et profondément ancrées dans la culture d’entreprise. Il devient nécessaire pour les entreprises d’avoir une vision sociétale globale et de considérer l’impact de leurs actions sur chacun plutôt que de ne viser que leur propre prospérité. Laczniak et Shultz (2021 : 4, traduction libre) définissent le marketing socialement responsable comme un « contrat social implicite basé sur trois éléments clés », qui s’applique tant au marketing traditionnel que numérique.
1. La citoyenneté d’entreprise
L’entreprise doit faire preuve de bonne conscience citoyenne dans tous les aspects de son marketing et s’engager socialement, au-delà de la recherche de profit.
2. L’orientation vers les parties prenantes
Les décisions marketing doivent tenir compte des intérêts et démontrer une réelle considération envers toutes les parties prenantes.
3. Durabilité sociale et écologique
Les pratiques marketing doivent intégrer des considérations sociales et environnementales et viser la durabilité.
Quelles sont les lois actuelles sur le numérique responsable?
S’il existe des contraintes légales en marketing numérique, celles-ci demeurent à ce jour peu sanctionnées. Au Canada, plusieurs lois encadrent déjà la protection des renseignements personnels, la publicité mensongère et les communications électroniques non sollicitées. Depuis septembre 2024, la Loi 25 sur la protection des renseignements personnels des citoyens du Québec vient encadrer les pratiques numériques des entreprises. La loi exige une transparence totale quant au recueil et à l’utilisation des données personnelles des individus, de qui les entreprises doivent désormais obtenir un consentement. On peut imaginer que de plus en plus de lois verront le jour afin d’encadrer les pratiques numériques responsables. Pour les PME, se conformer à ces nouvelles lois coûte cher en temps, en argent et en ressources, mais pour les entreprises proactives, la conformité devient un avantage concurrentiel, un gage de confiance pour les utilisateurs.
Les opportunités stratégiques des initiatives numériques responsables
Pour les entreprises, se conformer aux lois et adopter des pratiques marketing transparentes et responsables devient une opportunité stratégique non négligeable. Prenons l’exemple de Patagonia, dont la citoyenneté d’entreprise est démontrée via de nombreuses initiatives. L’entreprise encourage une consommation responsable, au-delà de la recherche de profits. On peut penser à la campagne « Don’t Buy This Jacket » dont le message était de consommer moins et mieux. La campagne a tout de même généré 1 milliard de dollars de ventes annuelles en 2017. (Thangavelu, 2019)
Les décisions marketing de Patagonia reflètent leur considération envers les parties prenantes. L’entreprise est totalement transparente à propos de sa chaîne d’approvisionnement et renseigne sa clientèle sur l’impact environnemental et sociétal de chacun de ses produits. (Patov, 2024) C’est notamment grâce à cette transparence absolue que Patagonia s’est bâtie une forte réputation.
La durabilité est au cœur de toutes les activités et décisions de Patagonia, qui donne 1 % de ses ventes annuelles à des causes environnementales. La cohérence et la transparence de toutes les pratiques de l’entreprise profitent autant au bien commun qu’au rayonnement de la marque et renforcent la confiance et la fidélité de sa clientèle qui partage les mêmes valeurs. (Patov, 2024) Mais toutes les entreprises ne partagent pas cette sincérité.
Le greenwashing en termes simples : stratégiquement manipuler la réalité
Le problème avec le marketing numérique responsable, c’est que trop d’entreprises s’en servent comme façade et profitent de l’opportunité stratégique qu’il représente, sans que les messages véhiculés reflètent la réalité. Le greenwashing, « le fait de diffuser des informations trompeuses auprès des consommateurs concernant les pratiques environnementales d’une entreprise ou les avantages environnementaux d’un produit ou d’un service » (Baum, 2012, traduction libre), en est un bon exemple. Avec trop peu de réglementation, on se retrouve avec des multinationales comme Volkswagen (Plungis, 2015), Coca-Cola (McVeigh, 2020) et H&M (Hitti, 2019), qui profitent des mouvements socioécologiques pour bien paraître et générer énormément de profits, malgré leur impact dévastateur sur la planète. « Quand les efforts de communication sont démesurés par rapport aux actions réelles d’impact, le risque de washing est très grand. » (Republik, 2025)
Le rôle de la réglementation dans l’encadrement des pratiques numériques
Face aux dérives marketing de certaines entreprises, la réglementation devient un questionnement central. Au Québec, la Loi 25 exige désormais une transparence totale des entreprises quant à la collecte et à l’utilisation des données personnelles. Il est légitime de se demander si cette transparence totale devrait s’étendre aux chaînes d’approvisionnement, aux sources des matériaux et à l’impact des produits sur l’environnement et la société.
Dans un contexte où de nombreuses entreprises utilisent le washing comme stratégie marketing, il devient essentiel pour les consommateurs d’avoir des moyens fiables pour vérifier et quantifier l’impact réel des entreprises. Il existe de nombreuses certifications qui démontrent l’authenticité de l’engagement, mais elles restent facultatives et hétérogènes. Si la transparence est un outil stratégique pour les entreprises dont les actions sont alignées avec les communications et les valeurs, elle implique un immense risque réputationnel et financier pour celles dont les pratiques sont trompeuses. L’idée de standardiser l’éthique et la transparence par la loi pourrait devenir nécessaire pour que tous y participent.
Vers un marketing numérique réellement responsable
Le marketing numérique responsable, c’est bien plus que de se conformer à la loi ou de suivre les tendances socio-environnementales dans ses communications marketing. Oui, la loi peut aider à encadrer certains abus, mais ce n’est pas suffisant pour générer de la confiance, de la loyauté et de l’engagement. Les entreprises qui se démarquent sont celles qui misent sur la transparence, l’éthique et la cohérence dans leurs actions, pas seulement dans leurs mots. Celles qui choisissent d’être réellement responsables auront toujours une longueur d’avance.
Bibliographie
Baum, L (2012). It’s Not Easy Being Green … Or Is It? A content analysis of environmental claims in magazine advertisements from the United States and United Kingdom. Environ Commun 6 (4), 423–440. Récupéré le septembre 2025 de https://doi.org/10.1080/17524032.2012.724022
Laczniak, G. et Shultz, C. (2021). “Toward a Doctrine of Socially Responsible Marketing (SRM): A Macro and Normative-Ethical Perspective,” Journal of Macromarketing, 41 (2), 201-231. Récupéré le 15 septembre 2025 de https://www.researchgate.net/publication/346600774_Toward_a_Doctrine_of_Socially_Responsible_
Marketing_SRM_A_Macro_and_Normative-Ethical_Perspective/citations
Hitti, L (2019). « H&M Norway accused of greenwashing over Conscious fashion collection », Dezeen, vol. 1, no 1. Récupéré le 22 septembre de https://www.dezeen.com/2019/08/02/hm-norway-greenwashing-conscious-fashion-collection-news/
McVeigh, K (2020). « Coca-Cola, Pepsi et Nestlé nommés principaux pollueurs plastiques pour la troisième année consécutive », The Guardian. Récupéré le 22 septembre 2025 de https://www.theguardian.com/environment/2020/dec/07/coca-cola-pepsi-and-nestle-named-top-plastic-polluters-for-third-year-in-a-row
Plungis, J (2015). « Volkswagen emissions scandal: Forty years of greenwashing – the well-travelled road taken by VW », The Independent, vol. 1, no 1. Récupéré le 22 septembre 2025 de https://www.independent.co.uk/news/business/analysis-and-features/volkswagen-emissions-scandal-forty-years-of-greenwashing-the-welltravelled-road-taken-by-vw-10516209.html
Patov, A. (2024). How Patagonia Enhances Customer Experience (CX) with a Commitment to Sustainability. Renascence.io. Récupéré le 15 septembre 2025 à partir de https://www.renascence.io/journal/how-patagonia-enhances-customer-experience-cx-with-a-commitment-to-sustainability
Republik (2025). « Indice de Capital Social », Republik. Récupéré le 22 septembre 2025 de https://republik.ca/fr/indice-capital-social/
Thangavelu, P. (2019). The Success of Patagonia’s Marketing Strategy. Investopedia. Récupéré le 15 septembre 2025 de https://www.investopedia.com/articles/personal-finance/070715/success-patagonias-marketing-strategy.asp